Edward & Bella

Edward & Bella

dimanche 28 février 2010

4 - Souffrance

« Rien n’est plus proche de l’amour que la haine. » Sacha Guitry.


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- Bon sang ! Qu’est-ce que j’ai f… Va-t’en ! VA-T’EEEN !


- Bella ! Calme-toi ! Qu’est-ce que…
- Fous le camp de chez moi, j’te dis !

Le corps de Bella était envahi de violents tremblements, semblables à des spasmes. Elle irradiait la haine par tous les pores de sa peau.

- Bella, je…
- Tais-toi et va-t’en.
- Bella…

Elle recula jusqu’à un placard, sans me quitter des yeux, l’ouvrit et en sortit un fusil de chasse. Elle l’arma, me regarda droit dans les yeux, en pointant l’arme dans ma direction.

- Dé. Ga. Ge.

Elle me tenait en joue, et son regard implacable m’avoua qu’elle n’hésiterait pas un seul instant à faire usage de son arme sur moi. Mais qu’est-ce qu’il pouvait bien lui passer par la tête ?!
Levant les mains en signe de reddition, je reculais jusqu’à la porte, incapable de détacher mon attention de son visage.

J’assistais, totalement impuissant, à un véritable conflit intérieur, entre la haine viscérale émanant de son regard et la souffrance infinie qui déformait son si joli minois… Bon sang, j’aurai mille fois préféré qu’on m’arrache le cœur plutôt que de voir ce profond chagrin sur ses traits ! C’était une véritable torture que d’y assister…
J’eus à peine le temps de sortir de la maison qu’elle me claquait brutalement la porte au nez. Incapable de réagir, je me laissais aller contre la porte, les yeux fermés. Je l’entendis tomber sur le sol, son corps ravagé par de violents sanglots.

- N-N-No-o-on… Nooooon ! M-Mais q-qu’est-ce que j-j’ai fait bon dieu ! J-je suis dé-désoléééee ! Je ne p-peux pas… Je n-n’ai pas le droit…N-Nooon ! Je ne veux plus … J’ai mal… Ô maman, j’ai si mal !

Bella était dans un état proche de l’hystérie. Je ne supportais plus d’être témoin de sa souffrance, il fallait que je réagisse… À l’instant où j’allai ouvrir cette foutue porte, mon portable se mit à vibrer avec insistance. Alice…

- Edward ! N’entre surtout pas ! Tu ne feras qu’empirer les choses ! Je ne comprends pas ce qu’il se passe avec Bella, mais si tu franchis cette porte tu ne la reverras jamais plus, elle disparaîtra purement et simplement, je l’ai vu ! Rentre, s’il te plait, il faut qu’on parle de certaines de mes visions… Viens maintenant ! Te casse pas la tête à récupérer ta voiture, Bella te la ramènera demain. Dit-elle dans un souffle, avant de raccrocher.

Mais qu’est-ce que ma Volvo pouvait bien foutre là-dedans ?

Crétin ! T’as déjà oublié que Bella est partie avec ce matin ? Elle a les clefs ! Euuuuh… Ah ! Ouais, c’est vrai… C’est bien ce que je disais, pignouf !

Je me dirigeais, à moitié conscient et totalement démoralisé, vers les bois devant sa maison, et une fois à l’abri des regards indiscrets, me mis à courir comme un forcené, espérant que la vitesse amoindrirait ma peine. Je courrais, courrais, courrais… mais la douleur était toujours présente, elle me collait comme mon ombre. J’accélérai, mes pieds touchant à peine le sol à présent, et j’avais l’impression que je pouvais voler, mais le chagrin m’abrutissait, encore et encore.

Je courrais, dévastant tout ce qui se trouvait sur mon passage, traversant les buissons, les ronces. Les arbres explosaient à mon contact, les animaux fuyaient à mon approche. Hormis le souffle du vent provoqué par ma course effrénée, la forêt était silencieuse.
Je venais de franchir la rivière située sur nos terres d’un bond et m’arrêtai brusquement. Voulais-je voir les regards attristés de ma famille ? Voulais-je être seul ? Voulais-je…
Les pensées d’Alice me tirèrent de mes réflexions.

Edward, tu ne dois pas rester seul, il faut qu’on parle. C’est important. Tu ferais mieux de te changer avant de venir, tes fringues sont dans un état épouvantable… Va au cottage, essaye de te détendre un peu et rejoins-nous.

Me détendre ! Elle est bien bonne celle-là ! Comment pouvais-je m’apaiser alors que la souffrance m’anéantissait par vagues successives ? Je me dirigeais, moralement épuisé, vers le cottage.
En pénétrant chez moi, je fus submergé par l’exquis parfum de Bella. Si seulement je pouvais mourir en cet instant et ne plus avoir mal !
Je ne pouvais plus me le cacher, maintenant : j’étais tombé follement amoureux de cette tendre créature, qui pouvait m’aimer passionnément ou me haïr intensément au gré de ses envies.
De prédateur, j’étais devenu la proie ; Proie de cette envoûtante tentatrice, pris au piège dans sa toile tel un papillon prisonnier d’une veuve noire. Je voulais m’arracher le cœur, je souhaitais qu’on me démembre et qu’on me brûle et ne plus être consumé par la souffrance… Un humain serait mort depuis bien longtemps des suites d’un tel chagrin. Malheureusement, je ne l’étais pas et ne pouvais qu’endurer cette souffrance qui me ravageait de l’intérieur. J’étais malade d’amour... Putain de maladie à la con !

J’inspirais lentement, laissant le parfum de ma douce me pénétrer, et me rendis dans la salle de bains. En détachant ma ceinture, je compris les propos d’Alice au sujet de mes vêtements : ils étaient en lambeaux, quelques morceaux de tissu avaient réussi à tenir, notamment grâce à ma ceinture. Ma course folle en avait eu raison…
L’eau chaude ruisselant sur mon corps, combinée au parfum de Bella commença à me relaxer, tandis que l’incertitude pointait le bout de son nez. Que s’était-il passé ? Qu’avais-je fait ou dit pour que Bella me haïsse à ce point ? Son comportement tellement versatile me laissait pantois, elle qui m’enivrait par sa passion et sa fougue, gémissant inlassablement mon prénom, pour me détester purement et simplement l’instant d’après. J’étais déjà maudit, en raison de ma nature de vampire, mais là, c’était pire encore. Une mauvaise sorcière avait dû se pencher sur mon berceau, à ma naissance pour que je sois victime d’une telle malédiction ! Je ne voyais pas d’autre solution…
J’étais complètement paumé, je ne savais plus où j’en étais, le temps s’était figé, seule la douleur me maintenait.
Une heure après ou peut-être un jour – le temps n’avait plus d’importance - je sortis de la douche et j’enfilai les premières fringues qui me tombaient sous la main. Je me dépêchais de sortir du cottage, ne supportant plus d’être bombardé par les effluves du parfum de Bella, ramenant des souvenirs qui me torturaient moralement et physiquement.
Un toxico, voilà ce que j’étais devenu : j’étais accro, je n’avais pas ma came, mon corps et mon esprit réclamaient leur dose avec insistance, et j’en souffrais terriblement…

Ravalant mes pleurs desséchés, je m’installais au bord de la rivière et contemplais un nouveau lever de soleil, bien différent du précédent. Était-il vraiment possible qu’une seule et unique journée me sépare de cette nuit fabuleuse ?
Bella, ma Bella… Si seulement j’avais pu lire ses pensées et comprendre sa réaction virulente ! J’avais beau me repasser les moindres paroles, les moindres gestes… je n’arrivais toujours pas à saisir son comportement…
Cette fille était un paradoxe à elle toute seule, à la fois fragile et forte, tendre et dure, innocente et sulfureuse, passionnée et haineuse. Elle avait réussi à réveiller les sentiments que j’avais abandonnés avec mon humanité, notamment l’amour et la passion ; en l’espace d’une nuit, elle m’avait sorti de cette torpeur qui m’habitait depuis plus de quatre-vingt-dix ans. Alors que je ne pensais qu’à la baise, par ennui et soucis d’hygiène, elle m’avait emmené sur les chemins de l’amour et de la sensualité. Ma voluptueuse Bella…
Perdu dans mes chimères et secoué par des sanglots asséchés, je n’entendis pas Alice arriver. Elle s’assit près de moi et me serra dans ses bras.

- Chuuut Edward, calmes-toi… Ça va aller, tu la reverras tout à l’heure, elle viendra à ta rencontre, elle…
- Ah ouais ! Et elle va faire quoi, cette fois? M’aimer passionnément et me planter un couteau en plein cœur ensuite ? Je n’y comprends rien, Alice… Rien ! Je n’ai jamais eu aussi désespérément besoin de comprendre quelqu’un Alice…
- Quelles étaient ses pensées à ce moment là, Edward ? Ça pourrait peut-être t’aider, non ?
- Justement, je n’en sais rien ! Je n’arrive pas à pénétrer ses pensées, je n’ai jamais pu ! C’est la première fois que ça m’arrive…
- QUOI ?! Tu délires ! Tu ne peux pas lire ses pensées ? Vraiment pas ?
- Non Alice, je n’y arrive pas… Elle est complètement… Insonorisée. Comme si elle ne pensait à rien, continuellement !
- Bah merde alors ! Mais je comprends mieux maintenant pourquoi tu n’as pas réagi avant qu’elle ne se mette en rogne… Allez, viens ! On va à la villa. Tout le monde s’inquiète, Edward… Et il faut qu’on parle d…
- Je ne veux pas de votre sollicitude, et encore moins de votre pitié ! Et parler de quoi ?
- Je te le dirai quand on sera rentré. Allez ! Bouge ton cul de là !

Je me levai péniblement, avec l’impression de m’arracher au sol et de peser des tonnes, et suivis Alice. Elle se focalisait tellement sur sa prochaine sortie shopping qu’il m’était impossible de savoir de quoi elle voulait parler…
Le vent se leva, apportant des effluves de puma et de grizzli. Un lance-flammes me brûla la gorge instantanément, mais je n’avais plus soif, la haine de Bella m’avait coupé l’appétit…
Alice se figea un instant, puis se tourna vers moi.

- Va chasser, Edward. Ça ne servira strictement à rien que tu te laisses mourir de soif, crois-moi ! N’oublie pas que Bella passera aujourd’hui ! Et si tu perdais les pédales devant elle ? Réfléchis-y. Allez ! Va chasser et rejoins-nous ensuite.

Alice avait raison, si je ne me nourrissais pas et que le parfum tentateur de Bella me venait aux narines, je risquerais de perdre contrôle. C’était sûr.
Soufflant un bon coup, je fermais les yeux et me laissais imprégner par le fumet du puma. Mon corps se déplaça de lui-même dans sa direction, se tapit au sol et bondit sur le fauve. Mes mains l’empoignèrent solidement et mes dents s’enfoncèrent dans sa jugulaire. Je bus à longs traits, savourant le sang chaud. Je venais à peine de drainer la bête que la folie s’empara de moi. Je dépeçai le puma d’un coup sec, j’arrachai ses membres l’un après l’autre, le décapitai, le réduisis en poussière. Je n’avais jamais été pris d’une telle sauvagerie, ce n’était plus moi. La souffrance avait réveillé le monstre que j’avais réussi à museler depuis de nombreuses décennies. Une bourrasque m’apporta un arôme de grizzli ; je m’empressai de suivre sa trace, l’asséchai totalement, et fis preuve de la même barbarie qu’avec le puma. Puis une harde de cerfs passa à proximité et je les attaquais tout aussi férocement. Une véritable frénésie meurtrière s’était emparée de moi, semblant ne plus vouloir s’arrêter…

Une fois comblé de sang, je repris mes esprits. Hébété, je ne reconnaissais pas l’endroit où je me trouvais. Enfin si, en partie. Mais ce petit coin tranquille de la forêt n’avait plus rien à voir avec ce qu’il avait été quelques instants plus tôt, il était complètement dévasté, ravagé par ma folie destructrice. Des arbres étaient arrachés, d’autres pulvérisés, du sang, des poils et des morceaux de ramures des cerfs étaient incrustés dans les troncs, des morceaux d’animaux jonchaient le sol… Une boucherie sans nom, voilà ce que j’avais fait.
Mais qu’est-ce qu’il m’avait pris ? Je n’avais jamais été pris d’une telle sauvagerie de toute mon existence, même lorsque je me nourrissais d’assassins ou de violeurs. Et là, c’était des animaux innocents qui avaient fait les frais de ma cruauté, un vrai carnage…
Épouvanté par mes actes, je repris, accablé par la honte, le chemin de la villa.
C’était de sa faute, si j’étais aussi mal, c’était elle la cause de ce massacre, c’était elle, elle, ELLE !
Ma nature faisait de moi un monstre, mais elle aussi en était un : sans cœur et cruelle, jouissant de ma douleur, s’abreuvant de mon chagrin.

Ah ! Elle avait dû être mante religieuse dans une vie antérieure pour agir de la sorte. Elle ne m’arrachait peut-être pas la tête après une nuit d’amour, mais elle me brisait le cœur…
J’avais beau être en colère et vouloir la haïr comme elle me haïssait, je ne pouvais pas, j’en étais incapable. Non, incapable, je l’aimais trop pour ça…
Franchissant la rivière, je rejoignais les miens, sachant qu’il fallait discuter de sujets que je ne préférais pas aborder…

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