Edward & Bella

Edward & Bella

jeudi 30 juin 2011

46 - Fuir à tout prix

POV Jasper :

Jamais je n’aurai pu croire qu’une telle chose était possible. Si on me l’avait dit, j’aurai ri au nez de cette personne. Et pourtant…
Je n’avais jamais ressenti autant de haine, de rage, de désespoir et de souffrance en une même personne de toute mon existence.
Je m’écroulais au sol, tout comme mon frère, et essayais d’endiguer ce tumulte de sentiments dévastateurs comme je le pouvais.
Il m’était incroyablement difficile de ne pas projeter toutes ces sensations diverses et néfastes ; c’est en me concentrant de toutes mes forces sur mon Alice que j’y parvins.
Elle était à côté de moi et caressait tendrement ma joue en me murmurant des paroles réconfortantes pour me ramener à la surface.
Ces dernières semaines avaient été une véritable horreur. Être empathe, c’est la Merde avec un grand M…
Je devais déjà gérer ma propre souffrance suite à la… perte de ma petite sœur, mais je devais aussi faire avec celle des autres. Sans parler d’Edward…
Il me faisait penser à une bombe à retardement, menaçant d’exploser à tout instant. Ce qu’il venait d’arriver d’ailleurs, mais pas dans le meilleur sens.
Je n’aimerai pas me retrouver à sa place, ce qu’il vivait depuis quelques temps était une véritable torture. Perdre son compagnon, son âme sœur, n’a pas de nom. Mais savoir que son âme sœur est là, quelque part, à subir des humiliations et des brutalités quotidiennes, sans rien pouvoir y faire, c’est une pure agonie.
Je n’avais pas ‘vu’ la vision de mon Alice, mais Aro et ma gazelle nous en avaient fait part avant qu’Edward ne revienne de La Push.
J’étais contre, absolument contre le fait qu’ils lui racontent, je savais très bien que cela allait le détruire, mais non ! On ne m’avait pas écouté ; ils n’en avaient fait qu’à leur tête, affirmant qu’Edward méritait de savoir.
Et maintenant, après avoir été assommé par les sentiments extrêmement ravageurs de mon frère, je ne ressentais plus rien venant de lui.
Strictement rien. Comme s’il était vide.
Je me redressais difficilement, encore à moitié KO par la violence des sentiments d’Edward suite à la vision.
Lorsque je vis mon petit frère, au sol, roulé en position fœtale, les yeux grands ouverts et totalement dénués d’expression, mon cœur mort se fendit en deux. J’avais l’impression d’être face à un cadavre.
Il n’y avait plus rien en lui, pas même une once de colère ou de rancœur. Rien n’indiquait qu’il vivait encore. Il n’y avait plus qu’une enveloppe charnelle sans âme. Un corps rempli de néant.
Edward ne bougeait pas d’un cil, parfaitement immobile, comme mort.
En fait, c’était exactement ça… Il est mort à l’intérieur… Et pour la première fois de mon existence, j’en voulais à Alice comme ce n’était pas permis…
J’envoyais une vague de volonté et de courage à Edward, tout en doutant de la réussite, mais me heurtais à un mur. Ça ne marchait pas…
J’étais enragé de tous les voir là, à glandouiller, à le regarder de haut comme s’il était un enfant capricieux qui taperait du pied parce qu’on lui refuse un bonbon. Ils ne le comprenaient pas.
Personne ne pouvait comprendre ce qu’il vivait… à part moi puisque j’avais partagé son malheur depuis l’enlèvement de Bella.
Je soufflais lourdement, écœuré par leur façon d’agir et me relevais avant de prendre mon frère dans mes bras et de l’emmener dans sa chambre, à l’étage, où je l’étendis sur son lit. Il n’avait pas bougé d’un poil et à mon avis, l’éternité pourrait s’écouler ainsi pour lui.

- T’inquiète pas frangin, je te promets que je vais m’occuper de toi…

Je lui caressais doucement le crâne avant de me relever et de descendre rejoindre les autres. Lorsqu’Alice se jeta dans mes bras, je me raidis instinctivement.

- Mais enfin Jazz… qu’est-ce qu’il te prend ? Me demanda-t-elle d’un ton peiné et les yeux tristes.
- Ce qu’il me prend ? Mais pourquoi lui as-tu raconté ta foutue vision, Alice ? Pourquoi ? T’as vu dans quel état il est maintenant ?
- Je… je ne savais pas ! Je ne suis pas empathe non plus…
- T’es peut-être pas empathe mais tu vois le futur, bordel ! Tu ne pouvais pas prévoir ses réactions, non ?

Emmett m’écarta violemment d’Alice lorsqu’il vit qu’elle se tassait sur elle-même suite à mon éclat. Carlisle vint à nous, le regard réprobateur.

- Maintenant ça suffit ! Calmes-toi Jasper. Alice n’a rien fait de mal, Edward était en droit de savoir ce qu’il se passe ! Nous en avons parlé avant son retour et nous étions tous d’accord sur…
- Non Carlisle ! Vous étiez tous d’accord, moi je ne voulais pas ! Vous avez vu comment il est ?
- Voyons Jasper, nous n’aurions jamais pensé qu’il réagisse de cette façon ! S’énerva Esmée en voyant que j’en avais après Alice et Carlisle.
- Il est là le problème, vous n’avez pas pensé ! Non ! Laissez-moi finir… Pas une seule fois l’un de vous n’a essayé de se mettre à la place d’Edward… Vous n’avez jamais tenté d’imaginer ce qu’il peut endurer…
- Nous ne sommes pas empathes, Jazz ! Railla Rosalie.

Je me tournais vers ma sœur. Elle avait les bras croisés sur la poitrine et tapait impatiemment du pied tout en contemplant ses ongles parfaitement manucurés, pressée de passer à autre chose de plus important que la santé mentale et physique de son frère. Je soufflais, dépité devant leur absence totale de compassion.

- Il n’est pas question d’empathie, mais de sympathie. Mettez-vous à sa place deux minutes. Tiens Carlisle… Imagine qu’Esmée et toi vous vous fiancez et… qu’après une soirée idyllique, un malade déboule chez vous, vous torture, humilie ta compagne sous tes yeux tout en menaçant de mort ta famille, et l’enlève… et qu’ensuite, comme si tout cela ne suffisait pas, tu vois à travers les yeux d’Alice les multiples sévices que subit ta fiancée, torturée de façon horriblement barbare. Tu réagirais comment, Carlisle ? Hein, comment ?
- Je… je serai dévasté… Répondit Carlisle en ayant la décence de baisser les yeux, honteux de son comportement.
- Évidemment que tu serais dévasté ! Imagine ensuite qu’on t’empêche de rechercher ta compagne, sous prétexte que d’abominables conséquences en découleraient, que tu continues, jour après jour, à voir les horreurs qu’on inflige à ta moitié et que le seul moyen qui te permet d’avancer c’est de t’accrocher de toutes tes forces au mince espoir qu’elle revienne…
- Oh… Oh !

En scannant les sentiments de Carlisle, je m’aperçus qu’il venait enfin de comprendre ce que son fils vivait et en quoi cette dernière vision avait détruit Edward. Puis je vis les visages déconfits, choqués et horrifiés des uns et des autres, qui venaient également de se rendre compte de l’épouvantable impact de la vision sur Edward. Ils avaient pensé à tout sauf à ça.
Bien sûr qu’ils souffraient tous de la perte de Bella, mais comparé au gouffre dans lequel était plongé mon frère, ce n’était rien.
Il faut dire aussi que les tendances d’Edward à se morfondre et à s’auto-flageller n’avaient pas joué en sa faveur. Tout le monde pensait qu’il se complaisait dans sa souffrance alors que non, il la subissait malgré lui.
Le problème, c’est qu’il était maintenant trop tard pour arranger les choses, mon petit frère était détruit…
Carlisle s’était laissé tombé sur le canapé, soufflé par sa réalisation tardive. Lorsqu’il avait vu Edward au sol, il pensait simplement que son fils lui jouait un mélodrame. Jamais il n’aurait pu penser que la vision le détruise à ce point.
Je comprenais parfaitement Edward. Même s’il se jetait à corps perdu dans les visions d’Alice, assistant au calvaire de sa compagne, il savait qu’elle reviendrait et s’y accrochait comme il le pouvait. Mais la ‘voir’ s’offrir à un autre et réclamer le sang de son père avait anéanti tout espoir en lui. Bella était perdue et Edward aussi…
Lorsque Carlisle réalisa pourquoi je leur en voulais, ses yeux s’écarquillèrent, épouvantés.

- Ô Seigneur… Qu’avons-nous fait ?
- Une belle connerie si tu me le permets !
- Je… je suis désolée Jazz… je… je ne pensais pas qu’il réagirait comme ça ! Je suis tellement désolée ! Sanglota éperdument Alice.

Voir ma compagne dans cet état de détresse m’arracha le cœur, mais je voulais qu’elle comprenne, une bonne fois pour toutes, qu’elle ne devait pas décider pour les autres, qu’elle devait arrêter d’imposer ses opinions et ses choix comme elle le faisait. Si Edward semblait dans le coma aujourd’hui, c’était à cause d’un choix désastreux imposé par Alice. De nous tous, c’est elle qui a le plus de facilité pour lui cacher ses pensées, mais non, elle avait décidé de lui montrer. Et dans un sens, je lui en voulais…
Brusquement, je sentis un élan d’espoir et de rancœur venant de Carlisle.

- Jasper, pourquoi n’aides-tu pas ton frère ? Tu es là à nous faire la morale, mais de nous tous, tu es le plus à même de l’aider efficacement !

Je soufflais, blasé. Je m’attendais à ces paroles depuis que je m’étais relevé, une fois libéré de l’emprise dévastatrice des sentiments rageurs de mon frère. Je secouais la tête de droite à gauche avant de répondre.

- Non Carlisle, je ne peux absolument rien faire pour Edward…
- Mais voyons, tu es empathe ! Tu es capable de manipuler les sentiments des autres ! S’énerva mon père en se relevant vivement.
- T’es-tu déjà interrogé sur le fonctionnement de mon don ?

Je relevais la tête et vis que Carlisle s’était rassis, les mains posées sur les genoux, et comme les autres, il attendait que je continue.

- Comme vous le savez, je suis capable de ressentir les émotions d’une personne ou d’un groupe de personnes. Je peux également les manipuler à ma guise, c’est à dire que je peux calmer une personne enragée ou encore exciter quelqu’un de léthargique. Mais pour cela, il faut que j’ai une… base. Il me faut un sentiment.
- Alors pourquoi ne fais-tu rien pour Edward !
- As-tu écouté ce que je viens de dire, Carlisle ? Il me faut un sentiment. Une émotion. Edward… Edward est vide. Il ne ressent plus rien…
- Comme… comme s’il était dans le coma ?
- Non Carlise. Plutôt comme s’il était… mort.

Des hoquets et halètements de stupeur s’élevèrent de toute part et je sentis un incroyable élan de crainte émanant des personnes présentes.

- Ed… Mon fils… est mort ?
- Non mon vieil ami… Il est plutôt victime d’une sorte de catatonie.

Nous nous retournâmes tous d’un même mouvement en entendant les paroles d’Aro.
Je ne m’étais pas aperçu que le vénérable vampire était allé à l’étage veiller mon frère et j’en fus étonné. Aro me fit un sourire triste avant d’aller s’asseoir près de Carlisle.

- Qu’entends-tu par là ? Il ne peut pas être catatonique sinon Jasper pourrait l’aider !
- Je me suis mal exprimé mon ami… Je te rassure de suite, ton fils n’est pas mort, je te le promets. Il est juste en… état de choc. Entre la pression qu’il a subi depuis la disparition de l’humain, puis l’enlèvement de la jeune Isabella, les différents sévices auxquels il s’est efforcé d’assister sans broncher et comme l’a dit le jeune Jasper, ici présent, son espoir que sa compagne lui revienne d’elle-même, Edward était sous constante pression. Et je ne parle que de son ressenti. Ajoutez à cela vos pensées à son égard ou celui de sa jeune compagne, cela n’a fait qu’empirer son… stress. Malheureusement, la dernière vision de cette chère Alice a tué ses espoirs dans l’œuf. Il s’accrochait à l’idée que sa fiancée lui revienne pour ensuite la voir dans les bras d’un autre…. Trop de souffrance à gérer… de haine… de rage… Il s’est en quelque sorte emmuré dans son esprit, il ne ressent plus rien, ne pense peut-être même plus à rien. En état de choc…
- As-tu déjà vu un vampire en état de choc ? S’étonna Carlisle.
- Une fois, mon ami… juste une fois… Lorsque Dydime a été assassinée par ces… chiens, Marcus s’est retrouvé dans le même état que ton fils…
- Mais… Mais… que pouvons-nous faire pour le sortir de là ?
- Rien à part attendre et lui parler. Marcus lui fait la lecture en ce moment même. Mon frère est resté dans cet état catatonique pendant dix ans jusqu’à ce qu’il se… réveille. Répondit Aro, perdu dans de lointains souvenirs.
- Dix ans ! Et… comment en est-il sorti si ce n’est pas indiscret ?
- Je lui hurlais dessus que Dydime ne voudrait pas qu’il se laisse aller… que c’était un idiot… que je profiterai de son état pour le démembrer et le brûler… mais il ne réagissait pas. Lorsque je l’ai menacé de mettre le feu au portrait de sa défunte compagne, il s’est brusquement redressé et m’a envoyé valser contre le mur ! Je ne peux pas vous dire combien de temps Edward restera dans cet état, mais il faudra vous montrer patients. Allez lui parler, chacun votre tour, et peut-être qu’ainsi il aura un déclic…

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Deux longues nuits et une longue journée s’écoulèrent de la même façon.
Moi passant tout mon temps près de mon petit frère, ne le quittant que pour me nourrir ou me doucher, et les autres se relayant auprès d’Edward pour lui parler de choses et d’autres, sous mon regard inquisiteur.
Marcus passait beaucoup de temps avec Edward, et de ce fait avec moi. Il était très peiné de ce qu’il lui arrivait, étant lui-même passé par là. J’appris d’ailleurs que même si Edward était dénué de tout sentiment, ses pensées restaient intactes. Enfin une seule pensée qu’il se repassait en boucle, le visage de Bella lorsqu’il avait accepté sa demande en mariage. Aro avait passé plusieurs heures à lui tenir la main et il ne voyait rien d’autre que le visage radieux de Bella.
Je n’avais toujours pas parlé à Alice depuis la dernière fois et je m’en voulais. J’avais été très dur avec ma femme, je l’admets, mais je voulais qu’elle se rende compte de ses actes et des conséquences qui pouvaient en découler. Je l’aimais comme un fou et je l’aimerai toujours, quoiqu’il arrive, mais je n’arrivais pas à lui pardonner ce qu’elle avait fait à Edward. Elle aurait dû le prévoir, elle aurait dû savoir qu’il réagirait ainsi.
Je ne supportais plus de voir mon petit frère comme ça. Lui si fort en temps normal n’était plus rien aujourd’hui. Une coquille vide.
Un délicieux parfum de menthe poivrée, de citronnelle et de cannelle me parvint et je redressais la tête pour voir mon Alice se dandiner d’un pied sur l’autre au pas de la porte. Elle souffla comme pour se donner du courage puis entra dans la chambre avant de s’asseoir sur le lit, près de la tête de notre frère, et se mit à entortiller les mèches cuivrées d’Edward entre ses doigts.
Une profonde tristesse mêlée à la culpabilité émanait d’elle.

- Arriveras-tu un jour à me pardonner, Jazz ?

Je plongeais mon regard dans ses yeux topaze noyés de chagrin et lui fis un sourire triste.

- Je ne t’en veux pas vraiment ma gazelle…
- Mais… tu m’évites depuis trois jours Jasper, tu ne me parles plus !
- As-tu fais l’effort de venir vers moi avant, Alice ? Je ne suis pas venu à toi car je voulais que tu prennes le temps de réfléchir à mes paroles et… Edward a besoin de moi…
- C’est étrange, je ne savais pas que vous étiez si proches tous les deux !
- C’est vrai… Mais tu sais, partager les sentiments d’une personne, ça t’en rapproche forcément ! Et des sentiments aussi forts, aussi intenses, c’est assez rare, même chez un vampire.

Elle baissa la tête et contempla le visage sans vie d’Edward.

- J’ai vraiment fait une belle boulette, hein Jazzou ?
- Tu l’as dit, une belle boulette… Tu sais Alice, je t’aime comme tu es, mais parfois… ton côté « je veux tout régenter parce que je sais tout » m’insupporte. Je comprends parfaitement pourquoi tu voulais que Edward voit ta vision, il devait savoir, mais… tu aurais pu y mettre les formes. Tu devais bien te douter qu’il réagirait de façon extrême, non ?
- Je ne m’attendais pas à… ça ! Je sais que je ne suis pas parfaite et que je peux être exaspérante parfois mais que ce soit toi qui me le dises, ça me tue…
- Je sais ma chérie, je sais… Mais il faut bien que quelqu’un se dévoue pour te faire redescendre de ton piédestal !
- Je…
- Ne te vexe pas Alice, ce que je voulais dire c’est que tu as tendance à tout diriger en fonction de tes visions et donc tu imposes tes choix. Il faudrait que tu comprennes que parfois ils ne sont pas tous bons, tu comprends ?

Elle hocha tristement la tête, comprenant le sens de mes paroles.

- Tu sais Alice, si tu t’en veux, moi aussi. Je me sens vraiment coupable, comme si j’avais failli. J’aurai pu éviter cet état de choc…
- Comment aurais-tu pu empêcher cela, voyons ? Tu n’y es pour rien, Jazz, ce n’est pas de ta faute si Edward est dans cet état, c’est la mienne !

Alice se mit à sangloter et je la pris dans mes bras, la berçant doucement.

- Ssssh Alice… calmes-toi ma gazelle… Nous sommes tous un peu responsable de la catatonie d’Edward… Personne n’a pris la peine de comprendre ce qu’il vivait… personne n’a essayé de se mettre dans ses pompes… Et même si c’est ta vision qui l’a plongé dans cet état, je n’ai rien fait pour t’en empêcher… Je savais qu’il était sur le fil du rasoir… je savais qu’il ne fallait pas grand chose pour qu’il pète un plomb… J’aurai dû l’abrutir avec mon don pour qu’il ne souffre pas de l’absence de Bella et je n’ai rien fait…
- Mais voyons Jazz, tu ne pouvais pas l’aider ! Combien de fois t’ai-je vu te sauver en courant parce que tu ne supportais plus la douleur et le manque qui régnaient à la villa ? En plus de ta propre peine, tu devais concilier avec la nôtre… Je n’ose même pas imaginer ce que tu ressentais en présence d’Edward. Alors s’il y a bien une personne qui ne doit pas s’en vouloir de l’état dans lequel se trouve notre…

Surpris de voir qu’Alice se stoppait en plein milieu d’une phrase, ce qui ne lui ressemblait pas, je nous redressais de façon à voir son visage. Ses yeux étaient perdus dans le vague, témoins d’une nouvelle vision, et je la sentis subitement se raidir entre mes bras tandis qu’une puissante vague de culpabilité et de remords s’emparait de ma compagne.
Elle rouvrit les yeux, effarée, puis se tourna vers Edward, épouvantée par je ne sais quoi et envahie par les regrets.

- Ô mon Dieu… mais qu’est-ce que j’ai fait ?


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POV Charlie :

Bella vrille la petite de son regard sombre, affamé, un sourire sadique et alléché aux lèvres. Elle se lèche les babines tout en contemplant la gosse et j’ai la chair de poule lorsque je vois son regard gourmand se poser également sur moi.
Je me retrouve face à un prédateur. Il n’y a plus aucune trace de ma fille…

- Be… Be… Bella ! Re-reprends-toi!

Elle grogne doucement et mes poils se dressent sur mon échine.

- Bella ! Réagis nom de Dieu ! C’est moi !

La porte s’ouvre sur le dénommé James. C’est en fait le vampire que j’ai croisé, lors de la première torture de Bella, le blond aux cheveux longs et crasseux. Je me rappelle que ma fille lui a arraché une oreille en apercevant le trou béant qui se trouve sur le côté droit de sa tête.
Quoiqu’il en soit, ce sale type a un sourire victorieux aux lèvres.

- Humm…. Ça pue la peur ici ! J’adore l’odeur de la peur… siffle-t-il gaiement.

Bella feule violemment en se tournant vers lui.

- Eh ! Relax ma jolie…
- Ils sont à moi… A MOI ! Hurle le démon qui a pris possession de ma fille.
- Oh, ce n’est que ça ! Ne t’inquiète pas, je n’y toucherai pas…
- J’ai… sssssssssoif !

Il s’approche de Bella, lentement, comme s’il savourait les quelques mètres qui le séparaient d’elle, puis arrivé à sa hauteur, il lui caresse la joue du bout des doigts.

- Si tu es bien sage, ça pourrait se régler… Son ton nonchalant n’arrive pas à cacher la luxure qui transpire de ses paroles.
- Soif… ssssssssssssoif !

Il laisse ses mains répugnantes traîner sur le corps de ma fille.

- Quel dommage que Félix refuse que je te touche… je sens que je m’amuserai beaucoup avec toi !
- Humm… ce que Félix ignore ne peut pas lui faire de tort… lui répond-elle d’une voix sensuelle et vibrante de désir.

Je suis profondément choqué, je ne reconnais pas Bella. Il n’y a plus de Bella. Ce n’est plus elle mais juste une dangereuse prédatrice dominée par sa soif et ses pulsions sexuelles…
Je ferme les yeux et plaque mes mains sur les oreilles et les yeux de la petite Carlie lorsque je la vois se frotter sans aucune honte contre l’autre tout en mordillant son unique lobe de l’oreille.
J’ai beau ne rien voir, j’entends quand même… Ils s’embrassent goulûment et la pièce est bientôt envahie par leurs gémissements et leurs soupirs de plaisir.
Je suis écœuré…
La voix de Bella s’élève, envoûtante, charmeuse, sensuelle.

- Hmmm… Jaaaames ! Li-libère mes jambes ! Je veux te sentir… profondément… intensément… puissamment…


Je ne peux m’empêcher d’ouvrir les yeux de stupeur lorsque je comprends qu’ils vont s’envoyer en l’air devant nous…
Où est ma fille ? Rendez-la moi !
J’entends un juron étouffé, le bruit du tissu qu’on déchire et des chaînes qui cliquètent et vois les jambes de Bella enroulées autour de la taille de James. Il se frotte sans retenue contre elle en grognant, puis brusquement les jambes de Bella se retrouvent autour de son torse, bloquant ses bras, tandis qu’elle le coince contre elle, le visage enfoui dans le cou de ce mec. Elle le lèche une fois… une deuxième… il gémit… puis hurle… de douleur lorsque les jambes de Bella se resserrent comme un étau et qu’elle le décapite d’un coup de dents incisif. La tête de James roule au sol et son corps s’affaisse lourdement. Bella crache.

- Non mais tu croyais vraiment que je pouvais avoir envie de toi ? Dans tes rêves, pathétique connard !

Je reste cloué au sol, ébahi et choqué par la scène qui s’est déroulée sous mes yeux.

- … pa ! PAPA ! PAPA ! vite, prends ses clefs dans la poche arrière droite de son jeans ! Libère-moi ! Viiiite !

J’hésite, pas rassuré pour deux sous. Veut-elle être libérée pour mieux nous déguster ?

- Magnes-toi papa ! Il va bientôt se reconstituer ! Vite !

Avec effroi, je vois les mains de James tâtonner à l’aveuglette à la recherche de sa tête. Je shoote dedans, l’envoyant au loin, puis palpe ses poches à la recherche du trousseau de clefs.
Les mains tremblantes et pas rassuré du tout, j’ouvre les lourdes entraves qui coincent Bella au mur puis le cadenas qui maintient le lourd collier à son cou.
Bella se frotte machinalement les poignets et le cou puis, plus vive que l’éclair, elle démembre le vampire aussi aisément que s’il était en terre cuite, avant de jeter les morceaux dans la cheminée. Le bruit est épouvantable, j’ai l’impression qu’on arrache une montagne, qu’on déchire de l’acier. De lourdes volutes de fumée violette à l’odeur âcre s’en échappent et la petite Carlie et moi-même nous mettons à tousser jusqu’à ce que j’aille vider le contenu de mon estomac dans la cuvette des WC, encore tout chamboulé par les évènements.
Une main glaciale m’agrippe et je hurle de peur ; c’est seulement Bella…

- Je suis désolée de t’avoir effrayé, papa. Mais c’était la seule solution pour sortir d’ici. Allez viens ! Prends la gosse, on y va.
- La… la porte ! Elle est ferm…

Au même moment, un « CRAC » retentissant m’apprend que la porte vient de céder face à la force de ma fille.
Nous sortons facilement de la maison et Bella a la présence d’esprit de prendre deux énormes pulls qui traînaient dans le salon, ainsi que deux grosses vestes.
Avec la neige qu’il y a dehors, c’est une excellente idée !
Une fois à l’extérieur, j’inspire une énorme goulée d’air frais. Ah ! Que c’est bon…
La petite Carlie, enroulée dans un pull et une veste, dix fois trop grands pour elle, sanglote désespérément, terrorisée et sûrement traumatisée par ce qu’il vient de se produire.
Je prends l’enfant dans mes bras pour la réconforter et me tourne vers ma fille.

- Faut qu’on s’active, là ! Allez, monte papa ! Dit-elle en s’accroupissant devant moi.

Moi ? Monter sur le dos de ma fille ? JAMAIS !

- Je ne suis pas léger, Bella…

Elle grogne, souffle, puis m’attrape le bras et d’un mouvement de bassin agile, je me retrouve sur son dos, la petite Carlie pressée entre nous deux.

- Accrochez-vous, on y va !

Attention au départ ! La fusée a décollé.
Bella court si rapidement que je ne vois plus rien, hormis des étendues de blanc et de vert. Pour éviter le mal de mer à cause de cette vitesse totalement insensée, je ferme étroitement les yeux. Je n’entends pas un bruit, juste le vent provoqué par la course et les rires de la gosse.

- On vole ! On vole ! C’est magique !
- Non Carlie, on court, c’est pas pareil ! Lui répond Bella.
- Ouah… tu cours trop, trop vite ! Tu m’apprendras dis ? Tu devrais faire les jeux sympathiques, t’aurais une jolie médaille !
- Ouais, ben cours, vole, fais tout ce que tu veux, mais ne te prends pas un arbre, Bella !
- Te bile pas papa, je gère !

Brusquement, je sens que nous ne nous déplaçons plus horizontalement, mais verticalement. J’ouvre un œil ahuri et découvre avec stupeur que Bella grimpe à un arbre avec une vélocité inimaginable et une agilité sans pareille. C’est à peine si ses mains touchent le tronc !

- Mais tu fais quoi ???
- Je dois me nourrir, papa. Au moins ici, vous serez en sécurité !

Elle nous fait glisser sur une énorme branche en haut d’un immense pin et nous aide, Carlie et moi, à nous installer convenablement.

- Je reviens vite. S’il se passe quoique ce soit, crie !

Puis Bella redescend en sautant de la branche, j’ai le vertige rien que de regarder en bas, et enfin, elle disparaît dans la forêt.
Nous attendons, la petite et moi, perchés sur notre branche.
J’essaye de rassurer la gosse, mais c’est elle qui me réconforte avec ses paroles.
Même si Bella l’a dévorée des yeux, affamée et que la mort de James, sous ses yeux, a été des plus barbares, la petite est heureuse de ne plus être enfermée chez les « vilains monsieurs aux yeux pas beaux ». J’ai le cœur lourd lorsque je lui explique, une fois de plus, qu’elle ne pourra plus revoir sa maman, qu’elle ne pourra pas la réveiller, qu’elle est morte.

- Ben où que je vais habiter si maman elle est dans les étoiles ? Sanglote-t-elle. Je sais pas c’est qui mon papa et je suis trop petite pour habiter toute seule, je sais pas faire le manger ! je…
- Ne t’en fais pas Carlie, on trouvera une solution…

Il faudra rapidement lui procurer de faux-papiers et… Ô Seigneur ! Voilà que je me mets à avoir des pensées hors-la-loi ! Mais comment faire autrement ? La petite a sûrement été déclarée morte, enlevée ou que sais-je, lorsque le corps de sa mère a été découvert… Et si je raconte au FBI que la gosse et moi avons été enlevés par des vampires, je finirais mes jours dans une belle cellule capitonnée vêtu d’une jolie camisole de force…
Bella finit par revenir. Ses cernes se sont largement atténués et ses yeux ont pris une teinte orangée-ambrée. Le plus frappant, c’est son immense sourire franc. Depuis sa captivité, ses sourires étaient bien trop tendus pour être vrais.

- Tu as repris du poil de la bête on dirait !
- Ouep ! Je ne me rendais pas compte à quel point j’avais soi… la dalle !
- C’était bon, ma puce ?
- Tu veux vraiment savoir, papa ? Elle hausse les sourcils d’un air incrédule.
- Bah quoi ! J’me renseigne, c’est tout !
- Deux ours, trois coyotes et deux wapitis !

Des ours ! Ma fille se bat avec des ours ! Comment ça des wapitis…

- Des wapitis, Bella ? Mais… on est où ?
- Canada. J’ai vu un panneau indiquant Yellowknife. Ce qui veut dire qu’on a pas mal de route à faire pour rentrer et qu’on doit décoller. Allez hop, on y retourne !

Cette fois-ci je ne fais pas la fine bouche et grimpe sur son dos, mon amour-propre en prend quand même un sacré coup. Une fois de plus, la gosse est coincée entre nos deux corps et ça la fait rire.

- Allez on y va ! On a déjà perdu trop de temps !

Bella saute du sapin et atterrit gracieusement et en souplesse au sol. Moi, j’ai l’impression que mes organes remontent et que le contenu de mon estomac veut se faire la malle. La petite rit de bon cœur, ce saut l’amuse.
Aaah… les joies de l’enfance et de l’inconscience…
Ma fille file à nouveau comme le vent mais cette fois, je m’y suis préparé : j’ai fermé les yeux.
Elle se déplace avec une rapidité et une aisance impressionnante, j’ai même l’impression que ses pieds ne touchent jamais le sol !
Elle court, elle court, longtemps… sans jamais s’arrêter ou montrer le moindre signe de fatigue… le temps défile, les kilomètres aussi… puis subitement, elle se met à jurer et à grogner férocement avant de se stopper.

- Bella ! Qu’est-ce que…
- Il y en a deux après nous… Afton et un autre type, je ne le connais pas…
- Vite ! Il faut qu’on parte !
- C’est impossible, papa… Avec vous deux sur le dos, ça me ralentit… je n’ai pas d’autre choix que de les attendre et les tuer, ils nous rattraperont toujours sinon…
- NON ! Prends la petite et laisse-moi ici. Sauvez-vous !
- JAMAIS ! Il est hors de… GGGRRRRRRRR…

Ses yeux deviennent instantanément noirs et elle se positionne devant nous, à moitié accroupie et les bras écartés. Quelques secondes plus tard, Afton et un autre vampire arrivent, leurs yeux rouges braqués sur Carlie et moi.

- Alors Isabella, tu veux nous fausser compagnie ? Tu t’amusais bien, pourtant ! Tu sais que Félix te punira pour ce que tu as osé faire… Et en plus, tu n’as même pas profité de cet appétissant repas que promet ton paternel et la gosse, quel gâchis !

Afton se lèche goulûment les lèvres, son regard navigant de Carlie à moi. Bella reste dans la même position, concentrée sur nos assaillants, grondant doucement, menaçante. Les deux vampires explosent de rire.

- Mais regarde-moi ça, Benji ! Tu crois quoi, fillette ? Tu penses vraiment pouvoir te mesurer à nous ? Tu n’es qu’un nouveau-né, un bébé ! Raille Afton.

Mes poils se dressent, j’ai la chair de poule. Je fais passer l’enfant dans mon dos, elle se colle contre mes jambes, les enserrant de toutes ses maigres forces. Bella ne bouge plus, pas même une narine ne frémit, les yeux rivés sur ses adversaires.

- Humm… il a bon goût Félix ! Cette petite sauvageonne ne demande qu’à être domptée… je suis sûr qu’on peut s’amuser tous les trois ! S’exclame le Benji en question.
- N’y pense même pas, malheureux ! Si tu la touches, le Fléau t’en fera baver s’il ne te tue pas avant !
- Bah ! Qui lui dira ? Si on la traîne dans une rivière ensuite, ça effacera nos odeurs, il n’en saura rien ! Tu n’es pas d’accord avec moi, Afton ?

Je sens l’excitation grimper en flèche chez ces deux monstres et leurs regards se noient dans la luxure. Ils s’approchent rapidement de ma fille et au même moment, elle agrippe Afton et l’envoie au loin, je ne sais où. J’entends juste le CRAC assourdissant d’un tronc qui se brise et aperçois la cime lointaine d’un sapin tomber sur deux autres. Quelle force !
Benji essaye de se jeter sur elle mais rebondit, stoppé à trois mètres de ma fille. Pratique ce fichu bouclier !
Lorsqu’Afton revient dans la partie, Benji tente de se ruer sur moi, mais de nouveau, il est stoppé à trois mètres. Je le vois se mettre à tourner comme un fou sur un rayon de cinq mètres, frapper, tâtonner, hurler de frustration et là je comprends : ce n’est pas nous qui sommes encerclés par le dôme protecteur, elle y a enfermé le vampire…

- SALOPE ! Chope-la Afton ! Chope-moi cette pute ! Brame le vampire, écumant de rage.

Afton et Bella ne se quittent pas du regard et dès que l’un fait un mouvement, l’autre le contre.
Je suis stupéfait par la beauté sauvage du spectacle qui se joue sous mes yeux. Ma fille n’a plus rien de l’enfant timide et maladroite, mais tout de la guerrière émérite.
L’immense sourire qu’affichait Afton se mue petit à petit en rictus sournois puis en grimace apeurée tandis qu’un sourire sadique et satisfait illumine le visage de ma petite Bella.
Les coups se multiplient, les poings et pieds pleuvent à une vitesse ahurissante pour mes pauvres yeux humains. Bella et Afton s’agrippent l’un à l’autre, tels des lutteurs gréco-romains.

- T’as du feu ? Demande ma fille d’une voix enjouée.

Le vampire l’observe stupidement, les yeux écarquillés, et au même moment, Bella lui balance un coup de pied dans l’estomac. Avec horreur, je vois le corps du vampire s’éloigner d’une vingtaine de mètres alors que ses bras sont restés dans les mains de ma fille… Elle les envoie loin, très loin, je les vois voler dans des directions opposées, puis elle se rue sur lui, finissant de le démembrer en quelques gestes habiles. On dirait qu’elle a fait ça toute sa vie…
Les morceaux du monstre à peine éparpillés aux quatre coins de la forêt, elle se rue sur Benji, lui réservant le même sort. Ses « salope » et autres « garce » résonnent encore dans mes oreilles lorsqu’elle nous fait remonter sur son dos, Carlie et moi.

- Tu… tu… tu ne dois pas les… les brû-brûler ?
- Normalement si, mais j’ai pas de feu ! Et on n’a pas le temps pour ça, de toute façon, il faut qu’on file d’ici au plus vite !

Elle décolle, tel un boulet de canon, vive comme l’éclair puis au bout d’un long moment, elle finit par ralentir sa course. Nous sommes aux abords d’une ville.

- Qu’est-ce que tu fais, Bella ? On doit partir !
- Ils nous rattraperont toujours, quoique je fasse papa… Avec vous deux sur le dos, je ne suis pas aussi rapide…
- Alors laisse-nous ici !
- NON ! Je ne veux pas qu’ils s’en prennent encore à toi, papa… et Carlie ne mérite pas le sort qu’ils lui réservent.
- Alors que doit-on faire ?

J’ai peur… Pas pour moi, non ! J’ai peur pour ma fille et peur pour l’adorable gamine qui s’est endormie sur son dos.
Bella réfléchit quelques instants et son regard s’arrête sur un point lointain. Elle sourit. Je cherche du regard ce qui l’intéresse à ce point et aperçois au loin un bar. Apparemment un repaire de motards vu le nombre impressionnant d’engins de la mort parqués devant.

- Qu’y a-t-il, ma chérie ?
- Tu viens papa, on va boire un coup !
- Tu crois vraiment que le moment est bien choisi pour faire une pause café ?
- Cha… papa ! Pour une fois dans ta vie, fais ce que je te dis, sans discuter ! Ok ?

Je grommelle, mécontent, tandis que Bella nous entraîne dans le bar. Je grogne lorsque je vois tous les regards de ces hommes dopés à la testostérone se poser lubriquement sur ma fille.

- Va t’asseoir avec Carlie, je vais passer la commande !
- Mais… on a pas un sou ! Dis-je entre mes dents, d’une voix basse.
- Pfff… fais ce que je te dis !

Carlie et moi nous installons à la table la moins sale du bar, bien qu’elle soit remplie de miettes de pain, morceaux de sandwich et autres choses non identifiables.
Je ne sais pas ce que fait Bella, mais le barman se retrouve la bouche ouverte et les yeux écarquillés, totalement ébloui par ma fille. Il acquiesce bêtement à tout ce qu’elle lui dit !
Bella vient s’asseoir avec nous et quelques minutes plus tard, deux cafés, trois jus d’orange, un chocolat chaud, des pancakes, des gaufres, des œufs brouillés et du bacon atterrissent sur la table, apportés par le barman.

- Merci beaucoup, jeune homme, vous êtes bien aimable. Lui dit ma fille d’une voix envoûtante.
- De rien, beauté ! Je ne peux décemment pas laisser une aussi jolie plante affamée !

Il repart, non sans la gratifier d’un sourire enjôleur auquel elle répond, tendue. J’ai bien remarqué la façon dont elle s’est raidie au mot « beauté » et me rappelle que c’est ainsi que la nomme Félix.
Carlie et moi dévorons les victuailles tandis que Bella plisse le nez de dégoût. Elle joue le jeu cependant et boit son café.

- Bella, pourquoi sommes-nous ici ? Chuchotai-je.
- Je te l’ai dit, papa. Je ne peux pas courir jusqu’à Forks avec vous deux sur le dos, je perds trop de temps. La seule solution pour que nous soyons en sécurité est de nous mêler aux humains. Ils n’agiront pas, c’est contre les règles.
- Les règles ? Quelles règles ?
- Le secret papa. Personne ne doit connaître l’existence du monde surnaturel.
- Oh ! Mais… que fait-on, maintenant ?

Elle me regarde, un sourire satisfait aux lèvres.

- Maintenant ? On a besoin d’un moyen de locomotion…
- Comment ? Que ?
- Tu vas devoir passer outre ton dégoût des motos, papa !

Elle se lève puis se dirige vers un groupe de motards qui la lorgnent depuis notre arrivée.

- Salut les gars ! Dites, elles sont superbes vos motos… elle est à qui la Ducati Monster ?

Un homme se lève, un sourire aux lèvres.

- Elle est à moi, ma jolie. Tu veux faire un tour ?
- Oh oui !

Bella sautille et frappe dans ses mains avant de suivre le motard, ravi d’avoir ma fille à son bras. Elle me fait un clin d’œil discret avant de sortir. J’angoisse pendant une vingtaine de minutes puis Bella et l’homme reviennent. Elle me glisse discrètement quelques mots à l’oreille.

- Sortez, je vous rejoins derrière le bar dans cinq minutes.
- Mais…
- Pas de mais, papa ! Sortez !

J’emmène la gosse avec moi, sa bouche est encore pleine de gaufre. Bella arrive cinq minutes plus tard, trois casques sous le bras, les clefs de la moto à la main et deux combinaisons. Elle m’en passe une et enfile l’autre avant de me tendre deux casques.

- Mettez ça !

J’entends le vrombissement puissant d’un moteur et Bella arrive à moto dans un crissement de pneus du tonnerre. Elle met la gosse sur le réservoir, entre ses jambes, et je grimpe derrière. Je suis étonné de ne voir personne nous courir après en hurlant « au voleur ! ».

- Comment as-tu fait ça ?

Elle se retourne rapidement et je ferme les yeux, terrorisé de voir que les siens ont quitté la route.

- Quelques beaux sourires, les attraits vampiriques et le tour est joué ! J’ai même de quoi payer quelques pleins d’essence et un téléphone portable ! Je les ai tout simplement éblouis ! Rit-elle.
- Ouais ben… garde les yeux sur la route et ramène-nous en un seul morceau !

Bella met les gaz et l’engin file à vive allure. Je crois que je préfère lorsqu’elle court, là je vais être malade… Au bout d’un moment, elle s’arrête à une station-service. Je fais le plein pendant qu’elle appelle les Cullen.

- Allo ? … Alice ! … oui… oui je vais bien… Charlie est avec moi… oui, il va bien lui aussi… Oui, je me doute que tu ne nous voyais que par intermittence… oui… une petite fille… je vous raconterai… on est sur la route… la seule chose à faire… Edward est là ? … passe-le-moi ! … Edward ? … oh mon amour… oui, ça va… Charlie aussi… tu pourras rassurer Sue ? … oui, on se remet en route… ce soir normalement… Toi aussi… j’ai eu si peur ! … oui… Non ! Ce n’est pas la peine… Non… pas de comité d’accueil… On fait vite… Moi aussi je t’aime… A bientôt mon amour…

Sa voix s’étrangle au fur et à mesure de sa conversation et elle raccroche, les lèvres tremblantes. Les larmes ne couleront peut-être jamais plus sur ses joues mais Bella sanglote, relâchant la pression.
Nous reprenons la route, Bella roule comme une dingue, ne s’arrêtant que pour mettre de l’essence et que la gosse et moi puissions manger et faire des pauses-pipi.
Régulièrement, je vois Bella jeter des regards dans les bois que nous croisons et lorsque je l’entends jurer et que je sens la moto vrombir de plus belle, j’en déduis que nous sommes suivis… J’ai dû penser tout haut car Bella me répond d’un bref hochement de tête avant de pousser la moto au maximum de sa vitesse.
Nous traversons une ville, Bella s’en profite pour s’arrêter à la station-service. Heureusement qu’elle a un casque intégral, une combinaison et des gants, sinon elle créerait l’événement vu le magnifique rayon de soleil qu’il y a ici ! Elle me tend le téléphone portable après avoir composé le numéro. La technologie et moi…

- Coucou Chef Swan ! Oh quel plaisir de vous savoir entier et pas spécialement traumatisé ! Quel soulagement surtout ! Sue est déjà prévenue et elle vous a préparé un bon repas avec l’aide d’Esmée. Vous pourrez manger autre chose que des pizzas et hamburgers ! Franchement, vous auriez pu dire à Bella de s’arrêter dans une boutique de vêtements pour enfants ! Cette pauvre petite est vêtue de guenilles !
- Alice… elle respire quand ?
- On est si heureux de savoir que vous arrivez bientôt ! On est désolé de vous avoir menti tout ce temps Charlie, mais nous n’avions pas le choix, vous comprenez ? Et puis surtout…
- Alice ! Mais il est où le bouton « off » ? Je ne peux même pas en placer une !
- Oui, oui ! Je sais, je m’emballe ! Ne vous en faîtes pas, ils ne pourront pas vous poursuivre plus longtemps… enfin si, ils vont vous suivre mais à cause du soleil, ils ne pourront rien tenter ! Bravo Bella ! T’as eu du nez en empruntant cette combinaison !

Le shérif en moi se réveille…

- Emprunter ? C’est du vol ! Du VOL Alice ! C’est un dél…
- Oh ça va ! Vous n’allez pas nous faire votre Kojak ! Ce « vol » comme vous dites si bien vous permet d’échapper aux six vampires qui vous traquent ! Au passage, Jazz est fier de toi, Bella ! Edward lui a frôlé la crise cardiaque… euh… tu comprends quoi… Donc je disais… pas de soucis, ils ne peuvent pas vous suivre. En plus, la Meute, Jazz, Emmett, Garrett et Laurent vous rejoindront d’ici une centaine de kilomètres avant Seattle…
- Seattle ? Alice ! Nous sommes loin de Seattle, voyons ! Pauvre petite, elle n’a plus toute sa tête…
- Charlie ? Vous êtes exactement à 168 km et 526 mètres de Seattle. Ne me dites pas « impossible », Bella a roulé pendant six heures à 230km/h. CQFD ! Donc avec le comité d’accueil qui vous rejoindra, le Félix’ Band fera machine arrière, ne vous en faites pas ! Par contre, vous devez reprendre la route au plus vite et ne plus vous arrêter avant d’avoir rejoint la Meute. Vous devez repartir dans deux minutes et vingt-sept secondes tout au plus, à cause de certains passages nuageux qui pourraient leur permettre de vous mettre la main dessus. Oh Edward ! Calme ta joie cinq minutes ! Elle va bien ta Bella ! Elle sera bientôt là alors arrête de geindre ! Je sais pas, moi ! Tapes-toi un puma ! Bon, je raccroche, Chef ! Le frangin déraille ! A tout’ !

Je n’ai pas le temps d’en placer une que la petite Alice a déjà raccroché. Quel babil !
Bah, c’est pratique lorsqu’on ne veut pas discuter : elle fait les questions et les réponses ! Mais à la longue, ça doit être saoulant pour ceux qui l’entourent. Je plains son compagnon !
Nous reprenons la route sur les chapeaux de roues. Je savais que ma fille faisait de la moto, bien que je déteste la voir chevaucher ces engins diaboliques, mais je ne savais pas qu’elle était capable de piloter à ce point !
Il commence à faire froid. La petite et moi grelottons. Nous avons beau nous caler contre Bella, nous sommes toujours aussi gelés. Bon, faut dire que sa température corporelle ne nous aide pas…
J’ai la trouille lorsque nous sommes cernés par deux voitures, une à droite, une à gauche, vampires aux yeux rouges au volant.
Bella met les gaz, faisant hurler le moteur, donnant la pleine puissance à la moto. La petite rigole, moi je hurle de terreur.
Les deux véhicules nous rattrapent et nous jouons au chat et à la souris pendant un bail, jusqu’à ce que Bella quitte la route et bifurque dans un bois. Les voitures nous suivent, Bella ralentit puis finalement coupe le moteur.

- Mais qu’est-ce que…
- Chut ! Tais-toi.

Les vampires quittent leurs véhicules, sourires aux lèvres. Ils s’approchent lentement de nous, savourant notre peur. Brutalement, ils s’arrêtent, un air de dégoût et la terreur gravés sur le visage. Des grognements gutturaux et des ululements résonnent autour de nous et je vois nos ennemis paniquer avant de s’enfuir rapidement. Et là, je vois six… choses… monstrueuses… sortir des fourrés.
Des ours ? Des loups ? Je ne sais pas vraiment mais c’est… énorme. Plus grand qu’un cheval… des dents acérées et longues comme des katanas… de la bave qui dégouline de leurs babines… je me colle contre ma fille, prenant la petite Carlie dans mes bras.
L’une de ces… choses… me fait un… clin d’œil… puis me lèche – beurk ! – avant de galoper en direction des vampires. Bon Dieu ! Ces… choses… sont rapides ! Elles sont là et pouf ! Elles n’y sont plus !

- Bella ! Viens ! On doit s’en aller !
- Pas de panique, papa ! On ne risque rien !
- Mais bon sang ! T’as vu ces… ces choses ?

J’entends des rires au loin puis des grognements. Le temps que je me retourne, nous sommes à nouveau encerclés par ces grosses bestioles et par deux des fils Cullen. Le plus grand serre Bella contre lui et j’entends ses os craquer sous la pression.

- Belly Bella ! Oh c’est trop d’la balle ! T’es entière !
- Rhaaa… mais pose-moi, Em ! Tu vas finir par me casser quelque chose ! Salut Jazz ! Salut la Meute ! Contente que vous soyez là !

Ma fille serre les vampires dans ses bras et caresse les… choses… derrière les oreilles.

- Laurent et Garrett ne sont pas avec vous ? Demande ma fille à la montagne de muscles dénommée Emmett.
- Ils finissent juste le boulot des clebs ! Ils vont bientôt arriver.

Carlie s’agite. Elle veut s’approcher d’une de ces… grosses bestioles… poilues… mais je la retiens : une petite fille comme elle, ces trucs n’en feraient qu’une bouchée.
L’une de ces… choses… part dans les bosquets et… Jacob arrive, trente secondes plus tard, fermant son bermuda. Ça ne va pas, Jake. Un bermuda en hiver ! Et pourquoi pas des tongs sur la neige !
Il me fait une accolade et me tapote affectueusement le dos ; je manque de tomber sous le choc. Qu’ils sont costauds ces Quileute ! Ils prennent des stéroïdes ou quoi ?

- Eh Charlie ! Vous pouvez pas savoir c’qu’on est rassuré de vous savoir en vie !
- Jacob Black ? Mais… comment diable es-tu arrivé ici ?
Ils explosent tous de rire puis Jacob se tourne vers ma fille.

- Tu lui as rien dit ?
- Ben si ! Mais bon, tu connais Charlie… tout ce qui relève du domaine du surnaturel, ce n’est pas…
- EH ! OH ! Je suis là ! Ne parlez pas de moi comme si je n’étais pas là !

Quelque chose de chaud pousse dans le bas de mon dos et en me retournant, je vois une de ces énormes choses, au pelage sable, me renifler. Je hurle et me jette contre un arbre. Un arbre qui rigole. Faute d’arbre, c’est Emmett Cullen. Il est terrifiant… Je sursaute et me jette contre ma fille. Courageux, mais pas téméraire le Charlie !

- Te bile pas, papa. Personne ici ne te fera de mal ! Je t’ai déjà expliqué… les Cullen sont en quelque sorte… végétariens… et même si tu sens délicieusement bon, ils ne se jetteront pas sur toi. Quant à la Meute, ils sont là pour protéger les humains. Alors ici tu as… Sam… Embry… Seth… lui connais pas… Quil… Jared… Ah ! Encore une nouvelle tête !… Paul… Lui je sais pas… Oui Leah ! Je ne t’oublie pas, c’est pas la peine de grogner ! Ici c’est Barny… euh Brady. Désolé ! Et lui, lui, lui et … Ah ! Elle, désolée ! Sont aussi des p’tits nouveaux de la Meute ! C’est pas possible, vous vous reproduisez comme des lapins…

Carlie rit aux éclats, je me retourne. Elle caresse l’une de ces ch… euh… un loup… Seth je crois… Seigneur ! Mon beau-fils et ma belle-fille sont des mutants… Et le tr… euh Seth… la chatouille en enfouissant sa grosse truffe sur les flancs de la petite.


- Hi ! Hi ! Hi ! Tu chatouilles ! T’es trop trop beau et trop trop gros tu sais ? Moi j’aime bien les chiens. Et puis un gros toutou comme toi, c’est bien, ça fera peur à les méchants ! Dis Charlie, tu crois qu’on peut le garder ? Si on lui trouve un très grand panier et une grosse gamelle, il sera content ! Et le chien, tu préfères quoi ? Les boulettes ou les croquettes ? Tu dois trop manger beaucoup parce que t’es énoooorme !

La petite babille encore et j’entends les membres de la Meute tousser. Un rire ?
Jasper nous rappelle à l’ordre, nous devons partir au plus vite. Bella prend la petite sous les épaules et la charge sur Seth. La môme s’agrippe fermement à son encolure et enfouit sa tête dans les poils de la bête, en soufflant de bonheur.
La bestiole qui m’avait léché plus tôt et que je pense être Jacob, s’approche de moi et courbe l’échine. Je regarde Bella, j’ai peur de comprendre…

- Allez papa ! Fais pas la fine bouche ! Grimpe !
- Hein ? Quoi ? Mais… ah non ! Je ne monte pas sur lui ! Non !
- Papa, fais ce qu’on te dit ! En plus, il te tiendra chaud !
- Non ! Il va… il va…
- Il ne va rien du tout ! Emmett… tu peux…
- Avec plaisir, sœurette de mon cœur… Allez papa Charlie, on y go !
- NON ! Je ne veux pas monter là-dessus !

Bella souffle de mécontentement et s’approche de moi.

- Papa, on est partis à la va-vite ce matin. Carlie est gelée, toi aussi. Si je te porte, tu auras encore plus froid. Jacob peut au moins te tenir chaud. Allez, ne fais pas l’enfant !

Je grogne et m’apprête à dire « non » lorsque je me mets à claquer des dents. Traîtresses !
Le choc, sûrement. Il faut dire que j’ai vécu dans l’angoisse pendant de longues semaines… Je finis par souffler et grimpe sur… Jacob. Ô Seigneur ! Quel pied cette chaleur !
J’ai à peine le temps de m’agripper à son encolure que nous nous mettons à filer comme le vent. Il est aussi rapide que ma fille !
La tête enfouie entre ses omoplates, j’entends les rires d’Emmett et Carlie. Apparemment, ce rustre lui apprend une chanson qui n’est pas vraiment adaptée à l’âge de la petite fille.
Je sens les grosses pattes de Jacob ralentir pour finalement s’arrêter. En levant la tête, je m’aperçois que nous sommes à l’orée du bois, devant la villa des Cullen. Je descends de ma… monture et manque d’embrasser le sol, mais je suis rattrapé in-extremis par Emmett.

- Euh… merci Emmett.
-- Avec plaisir, Chef ! J’étais si triste de ne plus voir Belly Bella se casser la figure toutes les trente secondes… Maintenant au moins, je sais d’où vient sa maladresse ! Mais ! Aïe ! Mais ça fait mal Bella !

Il se frotte l’arrière du crâne, là où ma fille l’a frappé, et moi, je rougis à ses paroles. Et dire que je travaille chaque jour sur ma maladresse pour qu’elle disparaisse…
Les loups se cachent entre les arbres avant de revenir sous leur forme humaine, habillés de pieds en cap, puis nous prenons le chemin de la villa, Carlie se cramponnant fermement à ma main.
Je suis plutôt intimidé, ce n’est pas tous les jours qu’on entre dans un nid de vampires, accompagné de loups garous !
En entrant dans la villa, les cris de joie explosent et un CRAC retentit violemment, comme si deux montagnes s’entrechoquaient.
J’en comprends l’origine en voyant ma fille accrochée au cou d’Edward, s’y cramponnant de toutes ses forces, les jambes enroulées autour de sa taille, tandis que lui, l’enserre étroitement dans ses bras, le visage enfoui dans les cheveux de ma fille et les épaules secouées par de violents sanglots.
Non mais franchement, un peu de tenue que Diable ! Y’a une enfant dans la place !
Et puis… je ne peux m’empêcher de lui en vouloir à ce petit saligaud : il m’a volé mon petit bébé !
Enfin bon. Il faut reconnaître qu’ils sont mignons, tous les deux… et que je ne vous surprenne pas à le leur répéter ! Je ne l’avouerai JA-MAIS !
Je perçois enfin un léger mouvement sur la droite et vois ma Sue. J’oublie tout. Les gens autour, le lieu, la pudeur… et me jette dans ses bras accueillants et sur ses lèvres si tentantes.
Mon Dieu ! Que c’est bon !
Je suis enfin à la maison…