Edward & Bella

Edward & Bella

samedi 21 mai 2011

45 - Captifs

POV Charlie :

Les eaux sombres et profondes se referment sur moi, m’engloutissant dans leurs abysses glacials.
Je n’arrive plus à me battre, le froid a eu raison de moi, mes membres gelés ne réagissent plus, alors j’accueille la Mort qui me tend amoureusement ses bras.
Je n’ai qu’un seul regret, un seul : ne pas revoir le beau visage de ma petite princesse.
Je suis rassuré cependant, je sais qu’elle sera merveilleusement bien entourée et qu’elle est aimée.
Mon bébé.
Ma petite Isabella.
Des mains m’agrippent, me serrent, me tirent.
La Mort est là, je l’attends de pied ferme.
De loin, très, très loin, des voix étouffées me parviennent.

- Tenez bon M’sieur ! On y est presque ! Tenez bon !

Et puis d’un coup, plus rien.
Les ténèbres m’envahissent…

**********************************

Le soleil levant filtre à travers des rideaux opaques, m’éveillant une fois de plus d’une nuit agitée, peuplée de cauchemars, d’angoisses, de sang et de monstres sans nom.
Je m’étire consciencieusement, toujours allongé sur ma couche de fortune, et attrape le couteau scie que j’aiguise, nuit après nuit, sur le morceau de roche détaché du mur de ma…cellule.
Il n’y a pas d’autre nom pour qualifier l’endroit lugubre où je me trouve.
A l’aide de mon couteau, je grave sur la roche un petit trait, qui vient s’ajouter aux dix-neuf précédents. Cela me permet de conserver la notion de temps, ici, dans cet endroit glauque.
Vingt jours que je me suis « réveillé ».
Je me souviens de l’accident, du lac, des voix aussi.
Enfin je crois.
Je ne suis plus sûr de rien.
Je n’ai aucune idée du temps qui s’est écoulé entre mon « sauvetage » et mon «réveil».
Je ne sais même pas comment je suis arrivé ici.
Et encore moins pourquoi j’y suis…
Je dois au moins une chose à mes… geôliers.
Je leur dois la vie.
Le seul qui m’a montré un tant soit peu de sympathie, m’a appris que j’étais en hypothermie avancée et qu’une fois sorti de cet état critique, j’avais été terrassé par une violente fièvre qui m’avait plongé dans le délire le plus complet.
Ils m’ont soigné, plutôt bien même, si j’en crois les poches de solutions salines, les solutés de réhydratation, les antalgiques et les analgésiques qui étaient fichées dans mon bras à mon réveil.
Mon réveil.
Je n’ai pas compris ce que je faisais ici. Je n’ai pas compris pourquoi je n’étais pas hospitalisé.
Je ne sais toujours pas ce que je fais ici d’ailleurs…
Une fois de plus, je contemple ma…cellule.
Environ trente mètres carrés de surface.
Une petite fenêtre, condamnée par des planches qui laissent passer quelques rais de lumière à travers les rideaux sales et opaques.
Des murs en pierre, totalement nus.
Une cheminée, constamment éteinte.
Une porte, toujours fermée, sauf lorsqu’ils viennent.
Ma paillasse, un vieux matelas miteux, des draps qui ont connu une jeunesse bien lointaine et deux couvertures pleines de trous.
J’ai au moins la chance d’avoir les commodités, un petit mur séparant les WC et le lavabo du reste de la pièce, protégeant des regards et donnant un semblant d’intimité.
Le grand luxe !
Et les chaînes.
Comment oublier ces chaînes…
Scellées dans un anneau sur le mur, face à mon lit.
De lourdes chaînes et des fers, conçues dans un alliage des plus étranges.
Une espèce d’acier trempé et renforcé, brillant, dur et glacé.
Elles sont glauques.
J’ai froid dans le dos à chaque fois que mes yeux se posent dessus.
Je ne sais pas pourquoi elles sont là…
Tout comme je ne sais pas ce que je fais ici.
J’ai tenté, chaque jour depuis mon réveil, de leur dire que j’étais policier. Qu’ils commettaient un kidnapping sur un membre des forces de l’ordre. Que c’était un délit grave, passible d’une très lourde peine.
Ça les fait rire.
Puis j’ai fini par les supplier.
Leur dire que je n’avais pas d’argent, juste un petit salaire de fonctionnaire, et qu’aucune rançon ne leur serait versée.
Que j’avais une fille, une compagne qui m’attendaient à la maison.
Que ma fille avait besoin de moi, qu’elle avait déjà bien trop souffert avec tous les malheurs qui lui étaient tombés dessus.
Ça les a fait hurler de rire.
Alors j’ai fini par comprendre.
Ils doivent faire partie de la secte qui a commis toutes ces atrocités.
Je n’arrêtais pas de le dire à Mallone. Ces meurtres ignobles ne pouvaient pas être l’œuvre d’une seule personne mais de plusieurs, de tout un groupe.
D’une secte. Satanique.
Il me riait au nez cet imbécile !
Maintenant, j’en ai la preuve. S’ils m’ont enlevé, c’est parce que j’approchais sûrement du but.
J’allais enfin trouver les fils de salauds responsables de la mort de ma Renée. De Phil. De celui qui a détruit à tout jamais la vie de mon bébé.
Oui. Ça ne peut être que ça.
Ou peut-être pas.
Je ne sais plus.
Je deviens fou à force d’être enfermé ici…
J’attrape mon ridicule couteau et continue de le limer sur la pierre.
Les dents ont disparues, laissant place à un fil tranchant, comme un rasoir.
On ne sait jamais ce qu’il pourrait leur passer dans le crâne. Il faut bien que je puisse me défendre, au cas où…
La serrure cliquette. Quelqu’un arrive. Je glisse le couteau sous mon matelas au moment où mon geôlier sympa débarque.

- C’est l’heure de la bouffe, Charlie ! Pizza peperroni, ça vous va ?
- Je te l’ai déjà dit, mon garçon. Tant qu’il n’y a pas d’anchois et que c’est de la pizza, tout me va ! Merci.
- De rien. Vous êtes sûr que vous ne voulez rien d’autre que des hamburgers ou de la pizza ? C’est sain pour vous de manger cela ? C’est assez consistant ?
- Pourquoi ? Tu veux m’engraisser ?

Il me fait un sourire triste et au même moment, j’entends les autres, de l’autre côté de la porte, hurler de rire. C’est dingue, j’ai l’impression que le sol tremble… Je deviens fou ici.

- Ne racontez pas de bêtises, Charlie. Je veux juste m’assurer que vous avez assez à manger, que vous êtes en bonne santé.
- Et toi Alec, tu sais ce que je veux…
- C’est impossible Charlie… je suis désolé. Sincèrement.

Le gamin s’en va, me laissant avec une grande pizza et un petit pack de bière.
Le gamin. Oui, c’est ce qu’il est.
Un gosse de quinze ans, seize tout au plus, qui risque gros dans l’affaire.
Prison à perpétuité.
Et tout ça parce qu’il a eu le cerveau retourné par un groupe de dégénérés.
Il me fait mal au cœur ce gosse. Je vois bien qu’il exècre ce qu’il fait, que ça le dégoûte de me garder prisonnier ici.
C’est un gentil gamin. C’est lui qui s’occupe principalement de moi, parfois il reste même discuter une heure ou deux, de tout, de rien, mais jamais il ne me répond lorsque je lui demande la raison de ma séquestration. Je n’ai droit qu’à un regard empli de compassion, de tristesse et à un ‘désolé’.
Pauvre gosse…
C’est à se demander comment un aussi gentil môme peut avoir un lien de parenté avec le démon qui lui sert de sœur.
Jane, sa jumelle.
Cette gamine a un visage d’ange, on lui donnerait le bon Dieu sans confession !
Mais sous ses airs angéliques, se cache le Diable en personne ; elle est d’une sauvagerie, d’une barbarie sans nom. Et elle est surtout folle à lier.
Parfois, lorsqu’elle me porte mon repas, j’ai l’impression d’être un singe dans une cage du zoo. Elle me balance la bouffe au sol comme on balancerait des cacahuètes aux animaux.
Elle me fait peur. Et pourtant, il m’en faut beaucoup !
Il y a trois jours, Jane a débarqué dans ma geôle, un sourire sadique et affamé aux lèvres. Elle m’observait, ses grands yeux rivés sur moi, tout en se léchant les lèvres comme on le ferait en prévision d’un bon repas.
Elle m’a regardé ainsi, en souriant et en se léchant les babines, pendant un bon quart d’heure et alors que j’étais persuadé qu’elle allait me sauter à la gorge, son frère et un autre bonhomme ont débarqué pour la traîner à l’extérieur.
Elle hurlait comme une damnée. Ses cris étaient affreux, abominables. Inhumains.
Et leur manie à tous de porter ces foutues lentilles de contact version ‘Halloween’ !
Une fois noire, une autre bordeaux ou encore rouge vif.
Cette fois-là, la petite Jane, avec ses lentilles rouge sang, m’avait vraiment filé les jetons…
Et que dire d’Afton…
Celui-là, on dirait qu’il est sous perfusion constante d’anabolisants !
Une semaine après le début de ma captivité, ce gringalet – il doit peser soixante kilos tout mouillé et tout habillé – s’est amené. D’après le silence qui régnait dans la maison, il n’y avait que nous deux.
J’ai voulu tenter ma chance.
L’assommer et fuir.
Je l’ai frappé de toutes mes forces !
Résultat : un poing fracassé et un genou disloqué…
Et lui n’a même pas bronché.
J’ai l’impression d’être entouré d’athlètes d’ex-URSS, shootés aux hormones et anabolisants.
Ou alors, ils doivent tous prendre ces drogues conçues pendant la Seconde Guerre Mondiale, qui conféraient force, puissance, vitesse… aux soldats. Ils ne sentaient ni la fatigue, ni la faim, ni les coups. Des supers amphétamines.
Parfois, j’ai même l’impression qu’ils communiquent entre eux par télépathie. Je suis sûr qu’ils se parlent ! Mais je n’entends pas un son et ne vois pas leurs lèvres bouger.
Ces gens sont fous.
Et je ne sais même pas pourquoi je suis là.
La porte s’ouvre à nouveau, sur Jane et Alec.
Le pauvre gosse est complètement soumis face à sa monstrueuse jumelle.
Elle a un sourire radieux aux lèvres et lui, un regard envahi de tristesse et de dégoût.

- Salut Charlie !
- Jane ! Quel plaisir…
- Ne cachez pas votre joie surtout !
- Et que me vaut l’honneur de ta précieuse visite, très chère ?
- Oh ! Juste une bonne nouvelle.
- Vous me libérez ?
- Ah ! Ah ! Ah ! Quel humour ! Vous feriez un fabuleux comique vous savez ? Je venais juste vous annoncer que dès ce soir, vous aurez de la compagnie ! Bye, bye Charlie!

Je la regarde, médusé, alors qu’elle repart en éclatant de rire. Son pauvre frère, lui, me jette un regard empli de pitié avant de souffler lourdement et de rejoindre sa sœur.
Ainsi, ils vont kidnapper une autre personne ? Mais à quoi cela peut-il bien leur servir? Pourquoi ?
J’ai passé la journée à me venger sur la pierre, aiguisant mon couteau et complotant dans mon coin.
Souvent, la maison est vide, il n’y a personne pour me garder.
Peut-être qu’à deux on aura le dessus sur notre geôlier ? Pourquoi pas ! Il faut tout tenter.
Le tout pour le tout.
Je termine le deuxième hamburger de mon repas du soir en dégustant une bière lorsque j’entends des cris et des grognements bestiaux. Une voix féminine hurle, menace.
C’est étrange, cette voix m’est à la fois très familière mais également inconnue.
Douce, chaude, suave, envoûtante, mélodieuse malgré les hurlements.
Il y a beaucoup de bruit à côté. Des cris, des rires, des chaises qui tombent, des craquements violents. J’ai même l’impression d’entendre le tonnerre ! Il n’y a pas d’orage, pourtant…
La porte de ma cellule s’ouvre brutalement sur un groupe.
Je reconnais Afton, Jane et celui qui, je suppose, est le chef de ce clan de cinglés.
Ils traînent une jeune femme qui se débat violemment.

- On vous ramène de la compagnie, Charlie ! S’exclame Jane en riant.

La jeune femme relève rapidement son visage en hurlant un « NOOOOON ! » déchirant, et j’ai l’impression d’être face à ma petite Bella…
Je suis cloué au sol, sans voix, saisi par la stupeur tandis qu’ils l’attachent aux lourdes chaînes.
Elle est écartelée, les poignets attachés au mur, retenus par les fers, et son cou est encerclé d’un lourd collier en métal maintenu à l’anneau scellé dans le mur.
Ils s’y mettent à quatre pour l’attacher, et moi je reste les bras ballants dans un coin de la pièce.
Ils finissent par sortir, sauf leur « chef » qui me regarde avec un air malveillant gravé sur le visage.
Il s’approche de la jeune femme, agrippe sa longue chevelure brune et bouclée et lui relève le visage de force afin qu’elle croise le mien.
Ses yeux sont clos.
C’est ma petite fille.
Mais…
Elle a énormément changé.
Ses traits sont bien plus doux, angéliques. Ses pommettes plus hautes et définies, ses lèvres plus rosées, ourlées et pulpeuses. Sa peau est d’une blancheur de craie.
C’est ma fille et en même temps une… inconnue. Tellement semblable mais à la fois si différente.
Comme si sa beauté naturelle avait été sublimée pour devenir perfection.
Elle… elle ressemble aux Cullen… et à nos ravisseurs.
Ses yeux sont fermés, je vois ses lèvres bouger mais n’entends pas un son.
Notre ravisseur explose de rire avant de se tourner vers moi.

- Alors Charlie, heureux de revoir votre fille ? Ça vous fera un peu de compagnie !
- Bella ? C’est bien toi ma chérie ?

Elle gémit puis acquiesce en soufflant.

- Oui papa… c’est bien moi…

Sa voix ! Si mélodieuse, envoûtante, hypnotique…

- Ma chérie… tu vas bien ? Pourquoi tu ne me regardes pas ? Ouvre les yeux Bella, je t’en supplie regarde-moi !

Un son étranglé sort de sa gorge et son visage se crispe, tourmenté. Ses yeux s’ouvrent et son regard envahi de tristesse et de désespoir se plante dans le mien.
Oh mon Dieu !
Ses yeux…
Le profond chocolat si familier n’est plus, il a laissé place à un orange vif, comme des flammes… Pourquoi mettre des stupides lentilles colorées alors que ses yeux sont si beaux naturellement ?

- C’est la mode des lentilles de contact d’Halloween ? C’est d’un laid !

Le type explose de rire et ma fille frissonne de dégoût.

- Oh ! Oh ! Quel comique ! Vous êtes à mourir de rire, Charlie !
- Quoi ! Qu’est-ce que j’ai dit de si drôle ?

Il commence à me courir sur le haricot ce gringalet ! Même pas vingt ans et ça se croit tout permis !

- Voyons Charlie, vous ne trouvez pas que votre fille a changé ? Pas seulement les yeux, d’ailleurs…

Je le regarde, intrigué. Puis m’aperçois que ce sale type connaît mon bébé. Je ne sais pas ce qu’il se passe, mais tout à coup, les yeux de ma fille deviennent noirs. Vraiment noirs. Comme un morceau de charbon.
Un grondement sauvage, animal, retentit dans la pièce et je m’aperçois qu’il vient d’elle. Puis un bruit de montagne qui s’écroule retentit et avec effroi, je vois le gars dans le mur.
Encastré.
Dans le mur.
Propulsé par un coup de pied de mon bébé.

- Oh mon Dieu… Bella… que t’ont-ils fait ? Toi aussi tu prends ces stéroïdes et ces amphétamines bizarroïdes ?

Sous mes yeux ébahis, ceux de ma fille passent du noir à l’orange vif et je l’entends pleurer. Mais il n’y a aucune larme versée.

- Papaaa… Je suis désolée…
- De quoi bébé ? Tu n’as pas à être désolée !

Pendant notre bref échange, sans que je n’y comprenne quoique ce soit, ma petite fille se retrouve les chevilles enfermées dans les fers, elle est pieds et poings liés au mur. Comment ?
Elle se tourne, sauvage, vers le sale type, écumante de rage.

- T’as eu c’que tu voulais, Félix… libère-le ! Tu m’as maintenant. Laisse-le partir !
- Voyons beauté, ça ne serait pas amusant. Et puis… il te faut bien un peu de compagnie !
- Lui aussi tu vas me le prendre ? Ma mère et son compagnon ne t’ont pas suffis ?

Ils continuent de parler et les rouages se mettent en place.
Renée. Phil. Pris.
Et là, je comprends.
J’ai leur assassin sous les yeux. Et le pourri qui a volé l’innocence de ma petite fille. J’attrape mon couteau de fortune et me jette sur ce Félix, prêt à le poignarder lorsqu’un violent coup m’envoie valser dans le mur.

- PAPAAAA !

Le bonhomme se rue sur moi, sa main cramponnée à ma gorge et je commence à suffoquer lorsqu’il est brusquement catapulté loin de moi, comme par magie.
Il me regarde puis observe minutieusement ma petite Bella et un sourire calculateur s’étire sur ses lèvres.

- Tiens, tiens… voyez-vous ça ! Ainsi donc, ton bouclier n’est pas simplement psychique… il est également physique… Intéressant… très intéressant !
- GrrrrRRRRRRRRR…. Fais-lui du mal et je te tue…

Je n’ai jamais vu ma fille avec un air aussi féroce sur le visage. Tout en elle me crie «danger». Et ce regard meurtrier… ce grondement animal… ce n’est pas… humain.

- Je… je… Bella! Qu’est-ce qu’il se passe? Que… qu’est-il ? Que… qu’êtes-vous ?

Ce n’est pas réel… je dois délirer… vingt jours de captivité ont eu raison de ma santé mentale…
Le Félix me sourit sadiquement avant de jeter un regard malveillant à mon bébé.

- Et bien chère Isabella de mon cœur… Allez, vas-y ! Crache le morceau ! Dis-lui ma beauté !
- …
- Oooooh… comme c’est dommage… la fifille chérie à son papa qui n’ose pas lui dire la vérité… soit !

Il s’approche de moi et enroule un bras autour de mes épaules, comme si nous étions deux vieux copains qui discutent de choses et d’autre.
Son bras est glacial, je le sens malgré la couche de tissu qui nous protège, l’un comme l’autre.

- Autant dire les choses telles qu’elles sont, mon cher Charlie… ça va vous faire un choc, croyez-moi ! Vous avez remarqué le changement chez Isabella, n’est-ce pas ? C’est parce qu’elle est désormais comme nous… un prédateur… de la pire espèce… elle est… un vampire !

Je le regarde, les yeux écarquillés, puis explose de rire. Un vampire ? Et pourquoi pas un elfe ou un farfadet tant qu’on y est ?!
J’essuie difficilement mes larmes entre deux éclats de rire ; il est en rogne, je le sens… Non mais pincez-moi, je rêve !

- Oh ! Vous ne me croyez pas ? Peut-être qu’ainsi, ça marchera…

Sa voix est sourde, menaçante… il pose délicatement son index sur ma joue et je ressens une douleur cuisante avant que le sang ne s’écoule lentement sur mon visage.
Il a percé ma peau du bout de son ongle…
J’entends non pas un, mais plusieurs grognements sourds.
Bella me vrille d’un regard sombre, affamé, les lèvres retroussées sur ses dents et au même moment, la porte s’ouvre sur Jane et Afton.
Ils ont le même regard, la même expression.
Et là, j’y crois.
Des vampires…
Plus rapides que la lumière, Jane et Afton se jettent sur moi. Les yeux écarquillés par la terreur, je m’attends à mourir…
Un grondement féroce roule dans l’air et je les vois se stopper à deux mètres de moi, bloqués par un mur invisible.
Les sbires de Félix hurlent de frustration tandis que lui sourit d’un air narquois.
Bella les vrille d’un regard noir avant de s’adresser à moi d’une voix tendue.

- Papa, soigne ta coupure s’il te plait. Maintenant ! Vite !

Bien que terrorisé, j’obéis à ma fille. Je nettoie rapidement le sang qui a coulé sur ma joue et appuie sur la coupure jusqu’à ce qu’elle se cicatrise un peu.
Jane tape du pied par terre puis tente à nouveau de se jeter sur moi, mais je suis toujours protégé par ce mur invisible.

- ASSEZ ! Hurle Félix. Sortez tous les deux !
- Mais il est si appétissant ! Féliiiix….
- Ça suffit Jane ! J’ai d’autres… projets pour lui. Allez-vous-en !

La petite Jane se prosterne presque aux pieds de leur chef puis elle sort, entraînant Afton dans son sillage.
J’observe attentivement ma fille. Son visage ne reflète que tristesse et dégoût. Elle plante son regard dans celui de Félix et le supplie.

- Félix… laisse mon père partir, je t’en supplie !
- Non, non, non Isabella !
- Tu as eu ce que tu voulais, je suis là ! Il est tout ce qu’il me reste… laisse-le rentrer chez lui, par pitié !
- Ce n’est pas comme cela que je vois les choses, beauté…
- Quoi, tu veux me l’enlever lui aussi ? Ma mère et Phil ne t’ont pas suffis ? Tu veux également tuer mon père ?
- Humm… le fait est qu’il va effectivement mourir, Isabella… Mais… ça ne sera pas sous mes crocs…

Je les observe, ébahi, puis vois le visage de mon enfant passer par toutes les expressions possibles avant qu’elle ne se mette à hurler.

- NOOOON ! Je t’en supplie non ! Ne me fais pas faire ça par pitié ! NOOON !
- Ah ! Ah ! Ah ! Tu seras bien plus docile ensuite, une fois que tu auras été rééduquée. Tu es de la race des vainqueurs, Isabella. Et le dernier rempart entre ton monstre et ton humanité, c’est ton père. Tu verras, ça ira bien mieux lorsque ce sera fini !

J’ai peur de comprendre ses paroles.
Et en voyant le visage défait et rempli de haine de ma petite fille, je comprends les desseins de ce monstre.
Il n’a pas encore fait suffisamment souffrir mon bébé, il veut réellement la détruire.
Il veut qu’elle en arrive à me tuer…
Le regard de Bella me tuerait s’il m’était destiné. Il est violent, meurtrier, et ses lèvres s’étirent en un sourire mauvais, carnassier alors qu’elle s’adresse à lui d’une voix dénuée d’émotions.

- Je ne sais pas encore quand, ni comment, mais je te jure que j’aurai ta peau… Et ce jour-là, je danserai sur ta tête en regardant ton corps flamber… Je te tuerai de mes propres mains, dusse-ai-je y laisser ma peau, mais je t’enverrai en enfer. Crois-moi.
- Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Le comique… c’est une histoire… de famille… ah ! Ah ! Ah ! Chez vous… ah ! Ah ! Tu… tu ne sais pas… à qui tu t’adresses… fillette !
- Oh que si… le Fléau…
- Tu n’as aucune chance, beauté !
- Je te tuerai de mes mains, Félix. C’est une promesse.
- Aaaaah ! C’est à en pleurer de rire ! Ah ! Ah ! Bon, j’vous laisse, j’ai d’autres chats à fouetter ! Ah ! Ah ! Ah !

Un grognement sauvage retentit et je sursaute en m’apercevant que c’est Bella qui a fait ça. Son regard ne quitte pas Félix et elle continue de vriller la porte lorsque celle-ci se referme sur lui.
Je m’approche de ma petite fille, écartelée et liée sur ce mur, et pose mes mains sur ses joues. Elles sont gelées, glaciales…
Son regard triste se plante dans le mien. Ses yeux orange me choquent, mais j’y reconnais tout de même mon bébé.

- Des vampires, alors ? Tu… tu peux m’expliquer, s’il te plait ?
Elle déglutit.

- Papa… tu… tu veux bien éviter de me toucher et reculer un peu s’il te plait ?

Je me prends une claque en entendant ça.

- Le contact de ton père te répugne à ce point ?
- Je… j’ai peur de te mordre…
- Oh ! J’ai confiance en toi, Bella…
- Mais moi pas. S’il te plait, papa, ça me fait peur ! Eloignes-toi…

A contrecœur, je me recule et m’assois sur le matelas.
Bella prend une longue inspiration, feule – quel son étrange venant de sa bouche !- puis commence son récit.
Sa rencontre avec Félix, comment il l’a sauvée ce jour-là… Sa cour acharnée… Son amour pour lui… le meurtre de Renée dont elle se croit responsable…
J’ai presque envie de lui mettre des baffes pour lui ôter cette idée tordue de la tête !
Les trois vampires qui l’ont sauvée ce soir-là… l’ultimatum posé… sa venue à Forks… sa rencontre avec Edward… l’attraction qu’ils ressentaient l’un pour l’autre et son dégoût, sa haine pour le jeune vampire… leur histoire d’amour… la réputation de Félix dans l’Histoire vampirique…
Je pleure lorsque j’apprends qu’elle est « décédée » bêtement, sous les balles d’un toxico en manque.
Sa transformation… la douleur… son réveil… son don… et Félix, encore… son statut de vampire « nouveau-né »

- Des vampires… ben ça alors ! Pourquoi pas des lutins et des loups garous tant qu’on y est !
- Ben… euh… justement papa… comment dire…
- Quoi ? Ça existe aussi ?
- Les farfadets, Je sais pas, mais les loups…
- Hein ? Seigneur, je nage en pleine science-fiction… Tu en as déjà vu ?
- Oui… et… euh… toi aussi.
- Mais non voyons, je le saurai !
- Euh… comment t’expliquer… il se trouve que… les… Quileute… sont des loups garous… enfin pas vraiment ! Mais un peu quand même… ce sont des modificateurs…

Et là, je ne sais pas pourquoi, mais je me mets à penser à toutes ces légendes que Billy me racontait lorsqu’il avait trop bu.
Des loups protecteurs, tuant les sangs froids, leurs ennemis naturels.

- Alors… toutes ces légendes sont vraies ?

Bella acquiesce.

- Seigneur… mais dis-moi, je pense à une chose… Pourquoi les Cullen fréquentent les Indiens de la Push, si les loups et les vampires sont des ennemis mortels ?

Et là, ma fille me parle des Cullen… De leurs convictions personnelles… Qu’ils sont « végétariens » car selon eux, chaque vie, humaine ou vampire, est précieuse… puis elle m’explique que les Quileute et les Cullen ont dû s’allier contre un ennemi commun et que cela a créé des liens entre les deux espèces.
C’est vrai que deux ans en arrière, Billy crachait sur le dos des Cullen !

- A… Alors tu… te nourris de sang ?
- Oui, papa. Mais de sang animal.
- Oh ! C’est… bien. C’est pour ça que tes yeux sont… orange ?
- Oui et non. En fait, mes yeux prendront une couleur ambrée d’ici quelques mois. Mais au départ, ils étaient rouges, comme les leurs. Parce que mon corps est encore gorgé de mon sang. Si eux ont les yeux rouges, c’est parce qu’ils se nourrissent d’humains…

Elle prend un air dégoûté en me disant cela. Je vois bien que ça la répugne.

- Ma chérie, pourquoi avoir inventé cette histoire de voyage au Brésil ?
- Franchement papa, c’était le plus simple. Je ne pouvais pas te faire croire à ma mort, ce qui aurait été l’histoire la plus logique. Tu as déjà suffisamment souffert après… Chicago. Mais d’un autre côté, je ne pouvais pas te voir, c’était impossible !
- Mais… pourquoi ?
- Parce que tu serais mort avant même d’avoir pu oser les yeux sur moi, je t’aurai tué !
- Oh ! C’est… si dur que ça pour toi d’être près de moi ?

Elle ne me répond pas tout de suite et déglutit avant de me faire un petit sourire gêné.

- Ben… tu sens très bon papa… délicieusement bon…
- Oh. Et bien…
- Tu sais quoi papa ? On reparlera de tout ça demain, tu veux ? Il est tard, tu devrais dormir.
- Oui mais s’ils venaient m’attaquer et que…
- Je suis là papa, il ne t’arrivera rien.
- Mais tu es attachée ! Tu…
- Ce n’est pas un problème papa. Ils ne t’approcheront pas, je te le promets. Dors, tu tiens à peine assis !
- Oui mais toi…
- Je ne dors pas papa… enfin… je ne dormirais plus jamais…

Je me lève difficilement et me dirige vers mon bébé afin d’embrasser son front gelé puis retourne me coucher en grommelant un vague « bonne nuit ». C’est vrai, je suis épuisé…

************************

Un rayon de soleil filtre à travers les planches et atterrit dans mes yeux.
Par réflexe, j’attrape mon couteau et trace un petit bâton dans le mur.
Trente jours que je suis coincé ici…
Je me tourne vers ma fille et me délecte du tableau. Les rayons de soleil ricochent sur sa peau et elle resplendit de mille feux.
Une larme solitaire coule lorsque je vois à nouveau les chaînes et les fers qui la maintiennent…
J’ai bien tenté de la libérer mais c’est impossible. Même elle, malgré sa force surhumaine, en est incapable. Alors moi et ma force de moustique, on repassera…
En dix jours, j’ai appris énormément de choses.
Les détails sur la mort de mon ex-femme- je savais bien que Bella me mentait au sujet de sa soi-disant amnésie ! – mais aussi tout ce qu’elle pouvait m’apprendre sur le monde surnaturel qui est désormais le sien. Je l’observe attentivement et m’aperçois qu’elle meure de soif.
Les cernes sombres sous ses yeux se creusent de plus en plus chaque jour et son regard s’assombrit au fur et à mesure que le temps passe.
Depuis qu’elle est ici, ils ne lui ont jamais apporté de quoi se nourrir. Ils la laissent mourir de soif.
Je sais pourquoi, Félix attend que ma fille soit assoiffée à en perdre la raison pour ensuite la libérer afin qu’elle me tue. Il cherche réellement à la détruire. Il ne supporte pas qu’elle ne soit pas sous son contrôle…
Je la vois se tendre subitement en regardant la porte puis elle souffle de soulagement. Vingt secondes plus tard, Alec entre dans notre cellule.

- Bonjour Charlie ! Bella !
- Salut gamin !
- Tenez, voilà votre petit-déjeuner.
- T’as rien pour moi je présume, Alec ? Lui demande ma fille.

Le pauvre gosse baisse la tête, penaud.

- Ben… après la séance d’avant-hier… je ne prendrai plus ce risque… Désolé Bella… je suis vraiment désolé…
- Tu n’y es pour rien Alec. Moi, c’est pour toi que je suis désolée, tu mérites pas ça.

Le gamin nous jette un regard triste avant de repartir en traînant la jambe.
Moi, je le regarde dégoûté par ce qu’ils ont osé lui faire.
Il y a deux jours, Alec a ramené du sang de biche en douce à ma fille, pour qu’elle puisse combattre sa soif.
Félix l’a su, rapidement.
Je ne sais pas ce que ce pauvre gosse a subi, mais Bella oui, elle a tout entendu. Moi, je n’entendais que ses hurlements déchirants de souffrance.
Tout ce que je sais, c’est qu’il a été fouetté par Félix, tabassé par Afton, torturé par sa propre sœur et que Félix lui a enlevé l’un de ses pieds, en représailles.

- Merde ! C’est pas vrai !
- Quoi ? Qu’y a-t-il ma chérie ?
- Je n’ai pas beaucoup de temps, ils vont t’éloigner de moi pendant quelques heures et…
- Mais pourquoi ?
- Pas le temps ! Écoute-moi attentivement papa… Une fois qu’ils t’auront emmené, concentres-toi sur Alice. Regarde tout ce que tu peux, à l’extérieur si possible, qu’elle puisse avoir une chance de nous localiser…
- Mais co…
- Fais ce que je te dis ! Je…

La porte s’ouvre au même moment sur Alec et je suis sûr de le voir échanger un sourire et un clin d’œil avec ma fille.

- Je dois vous emmener Charlie.
- Où ça ? Pourquoi ?
- Fais ce qu’il te dit, papa, il ne t’arrivera rien…
- Oui mais toi ?
- Ne t’inquiète pas pour moi, papa, je suis solide…

Je suis Alec à contrecœur, et au détour d’un couloir, nous croisons Félix et un type que je n’ai jamais vu. Un vampire avec de longs cheveux blonds et sales, noués en catogan.
Son regard me donne froid dans le dos mais je n’ai pas le temps de le détailler plus que ça qu’Alec me tire dans une grande pièce, un salon avec une immense baie vitrée.
Alec s’approche de moi et je sens son haleine fraîche dans mon cou.

- Faites ce que Bella a dit ! Concentrez-vous sur la petite Cullen et observez bien les alentours ! Vite ! Vous n’aurez pas beaucoup de temps !

Il va s’asseoir et se lance dans la contemplation du mur tandis que je pense à la petite Alice tout en observant les alentours. J’ai l’air fin comme ça ! Et je fais comment, moi, pour entrer en télépathie avec elle ?
Je découvre la nature qui nous entoure.
Tout n’est que neige et forêts de résineux, des sapins, des épicéas à perte de vue. Il y a un petit lac et également une cabane de pêcheurs à moitié délabrée, je me concentre dessus. Au loin, j’aperçois un panneau, mais je n’arrive pas à lire ce qui est écrit dessus, il est bien trop éloigné. Alice y arrivera peut-être avec sa super vue.
Un hurlement déchirant me tire de mes observations.

- Bella ! Ma chérie !

Alec me plaque contre lui et me ramène à la fenêtre. Je me débats dans ses bras en entendant les cris de souffrance qui émanent de la cellule. Un autre hurlement m’interpelle. Masculin cette fois.

- Tu vas me le payer espèce de sale petite pute !
- Non James ! Elle est à moi !
- Mais…
- J’ai dit NON !

Puis le silence revient et je sens Alec pouffer silencieusement de rire dans mon dos.

- Que s’est-il passé, Alec ? Dis-moi !
- Et bien… disons que le copain de Félix a essayé de s’approcher un peu trop près de Bella et que maintenant, il n’a plus qu’une oreille…
- Quoi ?!
- Hein, hein ! Elle lui a arraché en le mordant avant de la cracher dans le feu…

Il rit silencieusement et je souris, fier de ma fille. Elle a beau être entravée et torturée, elle se bat toujours et encore.
Je retourne à ma contemplation du paysage tout en prêtant une oreille attentive aux moindres bruits.
Neige… arbres… montagnes… eau… neige encore… et toujours de la neige…

- Oh l’humain ! J’te cause !

Je me retourne d’un geste vif et vois qu’Afton nous a rejoints.

- Oui.
- C’est l’heure de retourner dans ta chambre !

Il m’emmène, un sourire satisfait aux lèvres et me jette presque dans la cellule avant de refermer la porte brusquement.
Bella est là. Mon bébé.
Haletant et sifflant d'inconfort, toujours enchaînée au mur.
Je me rue sur elle et la palpe sous toutes les coutures. Son tee-shirt est à moitié déchiré et je vois de profondes zébrures sur sa peau qui se referment lentement sous mes yeux. Incroyable…

- Bella ! Ma chérie… tu… tu vas bien ?
- Ca va… papa… t’en fais pas… pour moi…
- Tu plaisantes, j’espère ! Tu es ma fille, je ne peux pas ne pas m’inquiéter à ton sujet ! Surtout qu’ils t’ont tor… torturée ! Est-ce qu’ils t’ont…
- T’inquiète pas pour ça…
- D-d-d-dis-moi !

Elle me sourit faiblement.

- Non papa. Ils ne m’ont pas violée. James… aurait bien aimé mais Félix l’en a empêché. Cet espèce d’enculé de sa race est persuadé que je lui appartiens, il ne laisserait personne d’autre que lui me toucher…
- Et est-ce que Félix t’a vi…
- Non ! Il veut d’abord me purifier… Ma fille crache ce dernier mot d’une voix dure.
- Te purifier ? Je ne comprends pas…
- Ben oui ! J’ai osé laisser Edward souiller mon corps, selon lui.

Je vois la souffrance déformer son visage à la mention du prénom de son petit ami et j’ai mal pour elle. A moi aussi ma Sue me manque…
Bella gémit et se plaint, et j’aperçois de profondes marques sur ses flancs. Des coups, violents. Des brûlures aussi, on dirait. Elle me voit faire.

- Ce n’est rien que je ne puisse supporter, papa. Rien ! Dis-moi, as-tu fait ce que je t’ai demandé ?
- Oui ma petite puce.
- Bien papa… c’est bien…. GRRRRRR…. Éloignes-toi s’il te plait… je dois me réhabituer à ton odeur…
- Oh ! Pardon…

Je me retire sur mon matelas et observe les multiples lacérations sur le corps de ma fille disparaître au fil des heures. Pour une fois, il fait horriblement chaud ici, j’étouffe. Un feu finit de se consumer dans la cheminée d’ordinaire toujours vide.
Bella m’explique les effets du feu sur les vampires et je comprends que les lacérations sur son ventre et ses flancs sont le résultat de chaînes et tisons léchés par les flammes.
Je ne suis pas croyant, mais je passe ma journée à prier un Dieu quelconque de nous venir en aide…
Le soleil se couche au moment où Alec pénètre dans la pièce, quatre cartons de pizza, des sodas et des bières à la main. Ben dis-donc, avec tout ça, je ne risque pas de crever de faim ou de soif !
Tout à coup, Bella feule dangereusement et Alec se colle au mur, tête baissée, totalement soumis.
Félix entre, un sourire aux lèvres, un tas de couvertures dans les bras.

- Le dîner est servi ! Chantonne-t-il en posant son paquet sur mon matelas.

Il ressort en riant, suivi d’Alec toujours aussi misérable…
Bella feule toujours, les yeux rivés sur le tas de couvertures qui commence à s’agiter. Je repousse un morceau de tissu et découvre une petite fille, complètement effrayée. Je manque de vomir en comprenant les paroles de Félix.

- Salut petite ! Tu vas bien ? Tu as mal quelque part ? Comment t’appelles-tu ?

Elle ne me répond pas, secouant frénétiquement sa petite tête bouclée de droite à gauche.

- Je ne vais pas te faire de mal, je te le promets.
- Ma… ma maman… elle m’a toujours dit de pas parler aux nains connus. Chuchote-t-elle d’une voix timide. Je lui souris.
- Elle a bien raison, ta maman. Je m’appelle Charlie Swan. Je suis shérif. Un chef de la police, si tu préfères.
- Tu vas arrêter le méchant monsieur qui a fait mal à maman, alors ?
- J’aimerai ma puce, j’aimerai… Mais je suis coincé ici, comme toi. Tu peux me dire comment tu t’appelles et expliquer ce qu’il s’est passé ?

La gamine jette un regard apeuré à Bella et se colle contre moi.

- Je m’appelle Carlie. J’ai… cinq ans. Je connais pas mon papa parce que maman elle m’a dit que j’ai pas de papa. Elle dit que des bêtises maman !
- Pourquoi ça ?
- Ben, c’est l’évident ! Il faut un papa pour que la maman elle a son bébé ! Si y’a pas de papa, la maman elle peut pas avoir le bébé dans son ventre ! Alors j’ai un papa mais je sais pas qui c’est !
- Ça arrive parfois, ma chérie. Et ta maman, elle est où ?

Les lèvres de la gamine se mettent à trembloter et j’ai d’un coup peur d’apprendre ce qu’elle a bien pu voir…

- Elle fait dodo mais elle veut pas se réveiller. J’ai essayé mais j’ai pas arrivé.
- Tu peux tout me raconter, tu sais ?
- Je regardais Mickey à la télé, maman elle faisait le manger de ce soir et puis y’a eu du vent dans la maison et maman elle a crié très, très fort. Je suitais allée dans la cuisine et y’avait le vilain monsieur avec les yeux rouges qu’il faisait un énorme bisou dans son cou à maman et après et ben maman elle est tombée par terre et elle a fait dodo. J’ai pas arrivé à la réveiller… j’ai essayé très fort mais j’ai pas réussi… J’ai donné un coup de pied au monsieur, je lui ai dit qu’il est méchant parce qu’il a fait dormir ma maman, mais je m’ai fait bobo à mon pied et le méchant il a rigolé. Il a tapé sur ma tête et après, c’était tout noir et je m’ai réveillé ici. Il est méchant le monsieur, il veut pas que je vois maman… Mamaaaan !

Je prends la petite dans mes bras et la cajole en attendant que ses larmes s’assèchent. Je suis écœuré par ce que ce monstre lui a fait, et le mot est faible. Tuer une mère sous les yeux de son enfant, c’est abominable… Ordure !
Je me rappelle aussi qu’il n’en est pas à son premier coup d’essai, il a également tué ma Renée sous les yeux de notre fille, et qui sait à combien de personnes encore…
Bella a repris le contrôle de sa raison et elle nous observe, tristement.
La gamine finit par se calmer et je lui donne un soda et une part de pizza.
En l’observant attentivement, je suis frappé par sa ressemblance avec ma propre fille.
La même peau pâle, les mêmes yeux d’un profond chocolat, la même petite bouche mutine. Mais ce qui est le plus frappant, c’est qu’elle ressemble également à Edward !
Les mêmes cheveux de cette étrange couleur cuivrée, les mêmes pommettes saillantes, le même nez droit et fin…
Cette petite Carlie est un parfait mélange de Bella et Edward, au point qu’elle pourrait aisément passer pour leur fille.
Je suis sûr que Bella a remarqué cette incroyable ressemblance.
Et je suis certain que Félix n’a pas emmené cette enfant au hasard…

- Dis Charlie, elle est méchante la dame ? me demande la gosse, le doigt pointé sur Bella.
- Non ! Pourquoi dis-tu ça, Carlie ?
- Ben… elle est attachée ! Elle est punie ? Elle a fait une grosse bêtise ?
- Non ma puce. Le méchant monsieur l’a attachée pour qu’elle ne se sauve pas. C’est ma fille, elle s’appelle Bella !
- C’est joli ça comme nom ! Et puis t’es belle alors ça te va bien !

La gamine se lève et va vers ma fille. Bella se raidit, retient son souffle et laisse la petite fille lui toucher la joue.

- Oh ! T’es toute froide ! On dirait de la glace !

Carlie regarde la cheminée, à présent vide de flammes, et fronce les sourcils avant d’aller vers la porte. Lorsqu’elle voit qu’elle ne s’ouvre pas, elle se met à taper dessus de toutes ses maigres forces.
Je n’ai pas le temps de la retenir que la porte s’ouvre sur Félix et Alec.

- Qu’est-ce qu’il y a gamine ? lui demande Félix, un sourire carnassier aux lèvres.
- Toi, j’te cause pas d’abord ! T’es méchant et t’es pas beau !

Félix explose de rire.

- Oh ! Oh ! Mais c’est qu’elle en a du caractère, cette petite ! Bon, je ne vais pas y passer la nuit, qu’est-ce que tu veux ?

Carlie lui tire la langue avant de l’ignorer et de tirer sur le pantalon d’Alec afin d’avoir son attention.

- Dis monsieur, tu peux mettre un radimateur ? La dame elle est toute froide et elle va être malade après. Tu peux mettre le chaudage pour qu’elle a pas froid s’il te plait ?
- Et puis quoi encore ! S’exclame Félix avant de se mettre à se caresser pensivement le menton. Quoique… ce n’est pas une si mauvaise idée, ça ne fera qu’épanouir et relever ces deux alléchantes fragrances… N’est-ce pas ma divine Isabella ?

Ma fille se met à grogner et Carlie se jette dans mes bras, effrayée par le bruit.

- Alec ! Prépare la cheminée et ne lésine surtout pas sur le bois !

Le jeune vampire baisse la tête et acquiesce. Tandis qu’il s’occupe du feu, Félix s’approche de ma fille et pose ses mains sur ses hanches, d’une façon possessive. Bella frissonne et grimace de dégoût, puis elle feule carrément lorsqu’il lui lèche le cou.

- Ça ne sert à rien de résister, ma beauté… Tu sais très bien que tu es faite pour moi. Tu m’appartiens, Isabella… Tu es à moi…
- Dans tes rêves, ducon !

Elle lui crache à la figure et je me rue sur ce monstre alors qu’il gifle violemment ma fille.
Malgré ma force de mouche comparée à la puissance vampirique, je veux frapper cette immonde créature, mais Bella en a décidé autrement car je me retrouve bloqué par un mur invisible à deux mètres de Félix.
Il m’observe tourner dans mon dôme protecteur d’un air pensif et ses lèvres finissent par s’étirer en un sourire calculateur.

- Bien, bien, bien… c’est très, très bien… tes défenses s’épuisent rapidement, beauté… encore quelques jours à ce… régime… et les deux humains ne seront plus que de l’histoire ancienne, tout comme ta misérable trahison avec ce Cullen…
- Si tu crois que je peux tuer mon père et cette gamine, et oublier Edward, tu te fous le doigt dans l’œil !
- Oh mais j’ai des arguments convaincants ! Et un… ami… au don très particulier… il peut manipuler les souvenirs… supprimer une personne de ton esprit, par exemple, et la remplacer par quelqu’un d’autre…
- Les dons qui travaillent le mental n’agissent pas sur moi, tu perds ton temps !
- Peut-être mais… tu t’épuises, ma chère. Pourquoi crois-tu que je t’assoiffe à ce point? Pour le plaisir ? Noooon… D’ici quelques petits jours, tu seras tellement obnubilée par ta soif et affaiblie à cause de ton bouclier que tes barrières disparaîtront totalement. Mentales et physiques. Je n’ai pas besoin de grand-chose : juste quelques secondes pour que le jeune Cullen soit définitivement rayé de ta mémoire. Là, tu deviendras un vrai vampire. Un prédateur. Pas une espèce de larve qui bouffe du lapin ! Je pourrais aussi faire de toi tout ce que je veux ! Tu es à moi, ma beauté…
- NOOON !

Si Bella le pouvait, elle le tuerait de ses mains…
Elle se débat malgré ses entraves et le darde d’un regard assassin.
Félix sort en riant, emmenant Alec avec lui.
Moi, je regarde ma fille qui a un air désespéré gravé sur le visage. Et pour la première fois depuis que je suis enfermé ici, j’ai peur… peur de ce que sera demain.

******************************

Une autre semaine s’est écoulée.
A nouveau, je grave un petit bâton sur le mur. Quarante-deux jours que je suis ici.
La petite Carlie est, une fois de plus, collée contre moi ; elle vrille son regard d’enfant sur ma petite Bella, terrorisée. Et il y a de quoi…
Deux jours avant, la petite s’est écorchée et Bella s’est métamorphosée en créature sanguinaire.
Je ne reconnaissais plus ma fille. J’avais à faire à son double démoniaque…
Les yeux d’un noir d’encre, les lèvres retroussées sur ses dents en un rictus menaçant, et le visage déformé par la soif intense qui la tenaillait, elle dardait la petite d’un regard affamé en hurlant « sssssoif ! sssssoifffff ! »
Ses chaînes cliquetaient sous la tension et ses cris inhumains emplissaient la pièce.
Elle est sortie de sa transe lorsque Félix est entré en riant, tapotant le mur invisible qui nous protège, Carlie et moi, des autres vampires. Il n’était plus qu’à quelques misérables centimètres de nos corps.
Lorsqu’elle s’est aperçue du spectacle qu’elle offrait, Bella s’est mise à gémir, mortifiée.
Elle n’y est malheureusement pour rien, sa soif a raison d’elle.
Moi je l’ai compris, mais allez expliquer cela à une enfant de cinq ans…
Une fois de plus, Alec vient nous chercher, la petite et moi, et nous emmène dans le salon pendant que Bella subit sa séance de torture quotidienne. Enfin rééducation, comme dirait Félix…
C’est épouvantablement difficile de faire abstraction de ce qu’il pouvait se passer dans cette pièce pour se concentrer sur Alice. Et puis, si la petite Cullen m’avait vu, ils seraient déjà là, non ?
Dans un coin du salon, Carlie joue aux petits chevaux avec Alec. Il est étrange depuis que la gosse est là… son regard ne quitte jamais la petite.
Au bout de plusieurs minutes ? Heures ? Nous retournons dans la cellule.
Jane ainsi qu’une grande rouquine à l’air sauvage habillent Bella, ses anciens vêtements à présent en lambeaux ne couvrent plus son corps.
Si les chaînes ne la retenaient pas, Bella serait affalée au sol. Son regard est vitreux et sa respiration laborieuse.
Félix fait un signe à Jane, et au même moment, je m’écroule par terre, hurlant de douleur. Je brûle ! Les flammes lèchent mes organes, mon corps, et je ne peux que hurler ma souffrance. TUEZ-MOI !

- ASSEZ !

Dès l’instant où la voix de ma fille résonne, la douleur cesse. Félix, lui, rigole ouvertement.

- Parfait ! Tu vois ma beauté, encore deux petites journées et tu seras à nouveau à moi…
- JAMAIS !

Je me relève difficilement et prends la petite Carlie dans mes bras tandis que la rouquine et Jane sortent. Le double démoniaque d’Alec me fait un grand sourire et à nouveau, je brûle. C’est elle qui fait ça… Seigneur, tuez-moi ! C’est intolérable !

- STOP !

La douleur s’arrête à nouveau.
Je reste pantelant sur mon matelas, la petite entre les bras, et assiste impuissant à la discussion entre Félix et ma petite fille, le corps lessivé par la souffrance.

- Mon Isabella…
- Je ne serai jamais « ton » Isabella !
- Oh mais si ! Demain, j’irai chercher mon ami Siegfried à l’aéroport. Je t’en ai déjà parlé, il arrive à manipuler les souvenirs, t’en supprimer, t’en implanter de nouveaux…
- Il ne pourra… rien me faire… mon esprit… est inviolable…
- Oh mais c’est là que tu te trompes, beauté ! Regarde ton père, Jane a pu le torturer à sa guise… tes boucliers ne le protègent plus efficacement… et toi non plus, d’ailleurs… tu n’en as plus la force !

Ma fille lui jette un regard meurtrier et gronde sauvagement, comme un animal furieux et blessé.

- Aaaah ma beauté… si tu savais à quel point j’ai hâte que l’on reprenne nos petits jeux tous les deux… tu es une partenaire extraordinaire… avide de nouveautés…je suis pressé de t’entendre supplier mon fouet… te voir nue et offerte, prête à me servir…

Je rêverais de pouvoir faire taire ce grand malade ! Ses idées sont malsaines, tordues, viles, ce sadique mérite de crever la gueule ouverte !
Je grommelle un chapelet d’insanités tout en couvrant les oreilles de Carlie. Elle n’a pas besoin d’entendre les délires pervers de ce monstre !
Félix se tourne vers moi et son sourire s’agrandit.

- Oh ! Vous n’êtes pas au courant ? Votre petite Isabella ne vous a jamais parlé de ses penchants « pervers » comme vous dites ? Si vous saviez… Ah ! Ah ! Elle adore être attachée… nue et écartelée au maximum… vous ne pouvez pas imaginer le nombre de fois où elle m’a supplié de la baiser avec ma cravache… si vous l’aviez vue… nue… luisante de sueur… sa petite chatte dégoulinante de plaisir… ma cravache ruisselant de son jus… allant et venant en elle… ma beauté me suppliant d’y aller plus vite… plus fort… elle ne vous en a jamais parlé ?

Je suis choqué par ses propos, ça ne peut être que mensonges !
Mais lorsque je vois le visage déconfit, envahi par la honte et le remord, de ma fille, je me rends compte que ce monstre dit vrai…

- Ah ! Ah ! Ah! Et oui, votre innocente petite fille est une vraie chienne au lit! Si vous saviez tout ce que je lui ai déjà fait… et tout ce que je prévois de lui faire… Humm… j’en bande rien que d’y penser ! Sur ce, je vous laisse, j’ai… quelques petits détails à fignoler pour demain. Au revoir ma beauté !

Il lui lèche le cou et Bella lui mord violemment la joue.

- SALOPE !

Il la gifle et la tête de ma fille valse dans tous les sens. Félix finit par sortir en rigolant.
Je me lève et m’approche de ma fille, soulève le bas de son tee-shirt, et vois que son ventre est à nouveau recouvert de profondes lacérations. Je n’ose imaginer ce que ce taré lui a encore fait subir…
Je ne sais pas si je dois être écœuré ou déçu, je suis encore trop choqué par les révélations de Félix. Tout ce que je vois, c’est que ma petite fille souffre.
Après m’avoir regardé, les yeux envahis de dégoût et tristesse, Bella se met à parler d’une voix blanche, le visage vide de toute expression.
Elle me parle de sa rencontre avec Félix et je ne peux que souffler de soulagement lorsque j’apprends qu’il l’a sauvée d’une violente agression. Puis elle me raconte sa cour acharnée, son amour – ou ce qu’elle croyait être –pour lui, sans savoir ce qu’il était réellement, puis elle m’explique que ‘oui’, effectivement, elle se faisait ligoter, cravacher… mais que pour elle, qui était si naïve en matière de sexualité, c’était de l’amour, elle croyait réellement que cela se passait ainsi pour tous les couples.

- Euh… dis-moi… est-ce que le jeune Cul… euh… Edward… euh… lui aussi il a des… penchants… comme ça ? Je ne sais même pas si j’ai envie de savoir…
- PAPA ! Je te demande ce que tu fais au lit avec Sue ? Non ! Mais euh… engénéralc’estluiquifinitattaché…

Elle se met à geindre comme un animal blessé ; elle est terrorisée par l’arrivée prochaine de ce Siegfried qui pourrait lui faire oublier Edward… Au moment où j’enroule mes bras autour de ma fille pour la consoler, elle se raidit en grondant doucement.

- Papa non ! S’il te plait…
- Oh ! Désolé ma chérie, je…
- Ne t’excuse pas, tu n’y es pour rien… c’est juste que c’est intolérable de ne pas te mordre…
- Je…

La porte s’ouvre sur Alec. Il nous amène nos victuailles. En saisissant le carton contenant nos hamburgers et boissons, je vois un petit morceau de papier replié. Je le regarde étrangement et Alec me fait signe de me taire avant de caresser tendrement la tête de la petite Carlie et de ressortir.
Je déplie le papier et y lis les quelques mots suivants, calligraphiées d’une écriture moyenâgeuse.

« Hormis James, la maison sera entièrement vide demain matin.
Bella doit absolument trouver une solution pour vous sortir de là avant midi.
Quoiqu’il arrive, bonne chance à tous les trois. »


Je fais lire cette courte missive à ma fille. Ses yeux bondissent sur le papier. Elle hoche la tête puis se plonge dans ses pensées.
Par sécurité, mais aussi pour éviter des soucis à Alec, je mâche le papier avant de l’avaler. Manque de sel, c’est vraiment infect !
J’aimerai pouvoir aider ma fille à trouver un plan d’action, malheureusement, les vampires ont l’ouïe fine…
En attendant, fébrile, je m’occupe de la petite Carlie.
Je dors mal cette nuit-là. Très mal.
J’ai peur que, quoiqu’il se passe, nous ne puissions sortir d’ici… J’ai peur de l’avenir que Félix réserve à ma fille… J’ai peur que Bella « oublie » son fiancé… j’ai peur que Carlie et moi ne soyons son premier festin humain…
Je me réveille en sursaut, la tête lourde. Je n’ai pas beaucoup dormi, d’ailleurs, je ne me souviens même pas de m’être endormi…
Je me frotte les yeux et me tourne vers Carlie lorsque je l’entends sangloter.
Elle est recroquevillée dans un coin de la pièce, la tête coincée entre les genoux, ses mains la recouvrant. Son petit corps tremble, secoué par de violents pleurs, et des petits gémissements plaintifs, craintifs, me parviennent à l’oreille. Elle sursaute lorsque je lui caresse la tête et mon regard tombe sur ses grands yeux effrayés.

- Laaaa… petite Carlie, calmes-toi ! Que se passe-t-il ?
- C’est… c’est… c’est la dame… elle me fait peur… Chuchote-t-elle d’une voix timide.

Je me tourne vers Bella afin de comprendre la réaction de Carlie.
Ce que je vois me terrifie.
Je suis sur le point de mourir…

dimanche 8 mai 2011

44 - Tortures...

! ATTENTION !

Certains passages de ce chapitre sont susceptibles de contenir des informations difficiles à supporter pour les personnes sensibles.

ÂMES SENSIBLES S'ABSTENIR.

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- Allez Eddy, viens ! Une petite chasse ça te fera du bien !
- C’est gentil, Emmett mais non… Pas soif…
- Bah alors une p’tite baston, histoire de te changer les idées ! Ça te f’ra du bien, frangin !
- Pas envie Em… Laisse-moi…
- Rhoo mais t’es chiant ! Tires-toi les doigts du cul au lieu de rester là à te lamenter et à pleurnicher sur ton sort ! Bouges-toi un peu ! Tu crois que Bella aimerait te voir comme ça ?
- Putain Emmett ! Faut te le dire en quelle langue ? Fous-moi la paix !
- Pfff… Ben tu viendras pas t’plaindre quand tout le monde te tournera le dos. T’es con Eddy, on cherche juste à te changer les idées et toi, tu nous envoies tous bouler. Ben tu sais quoi ? Va te faire voir !

Je regardais mon frère s’éloigner, il marmonnait et envoya un coup de poing rageur dans un arbre. Je comprenais sa réaction, c’est vrai que je n’étais pas des plus sympas ces temps-ci mais… je n’y arrivais tout simplement pas.
Je n’arrivais plus à rester près d’eux et supporter leurs pensées.
M’isolant régulièrement, j’avais fini par comprendre pourquoi Bella s’était coupée du monde lors de la disparition de Charlie. C’était simplement trop dur. Devoir gérer ses émotions et sa souffrance, c’est une chose, mais subir celle des proches et leur pitié dégoulinante, cela en est carrément une autre.
Le temps passait bien trop lentement, les jours défilaient inlassablement, immuables et c’était une pure agonie que d’être loin d’elle. Chaque atome de mon corps hurlait sa souffrance, seconde après seconde, chacune de mes cellules la réclamait à grands cris.
A chaque heure qui s’ajoutait, mon désespoir ne faisait qu’enfler.
J’avais tellement peur de ne plus jamais la revoir…
Peur que ma Bella ne soit plus… Surtout si la vision d’Alice venait à se réaliser.
Moi qui étais si heureux il y a encore une semaine, je n’étais plus que tristesse, désespoir et nostalgie ; je transpirais la douleur par tous les pores de ma peau.
Une raison de plus pour m’isoler : j’évitais ainsi un calvaire à Jasper.
Mon ange me manquait terriblement.
Parfois, en me concentrant suffisamment, j’avais l’impression de sentir ses mains si douces caresser mon corps.
Mais plus je pensais à elle, plus les noires pensées de Félix se rappelaient à moi…
Ses idées si viles, si abjectes, me donnaient la nausée rien que d’y penser et malheureusement, elles peuplaient constamment mon esprit…
Aro et Marcus, qui s’étaient installés à la villa le temps d’en savoir plus sur la situation, se relayaient de temps à autre pour discuter avec moi. Surtout Marcus. Il comprenait ce que je vivais…
Je n’avais plus goût à rien, je n’avais pas chassé depuis ce jour, j’en étais incapable. Je ne me mêlais que rarement à ma famille ou nos amis, je ne supportais plus leur condescendance et leur soi-disant sympathie. Comme s’ils savaient ce que je vivais ! Ils avaient peut-être perdu une amie chère, mais ils n’avaient pas perdu à la fois leur meilleure amie, leur âme, leur amour, leur amante. Leur âme sœur, tout simplement.
Je me morfondais, jour après jour, me lamentant sur mon sort. En bon égoïste que je suis, je ne pensais qu’à moi. Et à mon ange perdu.
Je ne vivais plus qu’à travers les quelques visions d’Alice et abreuvais tout mon saoul des images qu’elle me renvoyait de ma Bella. Pathétique, non ?
Dans tout ce malheur, il y avait au moins une bonne chose : Bella n’était pas seule, son père était avec elle…
Pour combien de temps encore ?
Alice poussa subitement un hurlement atroce. Je rentrais en trombe à la villa, persuadé que nous subissions à nouveau une attaque et retrouvais ma sœur assise par terre, la tête entre les genoux, se balançant d’avant et en arrière, les mains sur les oreilles, essayant de taire les cris horribles qui résonnaient dans son esprit.
Jasper tentait de la calmer et Aro avait une main sur son épaule, partageant la vision de ma sœur. J’ouvris alors mon esprit au sien et en fus écœuré…

Alec se tordant de douleur sur le carrelage crasseux, suppliant sa sœur pour qu’elle arrête de le torturer.

- Oh ! Mais ce n’est que le début mon cher… Tu vas voir ce qu’il advient des personnes qui me trahissent ! Afton, relève-moi ça ! S’écrie Félix d’une voix dénuée de tout sentiment.

Afton redresse Alec et l’enchaîne à un poteau en acier puis après un signe de la part de Félix, il se met à le frapper. Les articulations d’abord, jusqu’à ce qu’elles lâchent, puis les os. Les broyant méthodiquement. Alec supporte chaque coup en silence et ses hurlements reprennent lorsque Jane fait de nouveau agir son pouvoir sur lui. Les coups. Les flammes. Les coups encore. Et les flammes, toujours.

- Qu’as-tu à dire pour ta défense, traître ? Beugle Félix.
- Elle… elle avait seulement soif ! Ce… ce n’était qu’un peu de sang animal ! Pa… pardon !
- Si elle a soif, elle n’a qu’à se servir ! Il y a tout ce qu’il faut dans sa chambre !
- C’est… c’est… son père ! Félix ! Pitié !
- La ferme ! Afton, continue ! Ce petit morveux mérite son châtiment.

Un claquement sec retentit, puis un hurlement.
Félix fouette violemment Alec pendant qu’Afton broie consciencieusement les os de leur souffre-douleur. Après une centaine de coups de fouet, Félix se lasse alors il arrache lentement les membres du malheureux vampire, sous le regard satisfait et avide de Jane. Il balance les membres et le tronc d’Alec dans un coin de la pièce, soulevant sa tête par les cheveux afin de mettre leurs visages au même niveau.

- J’espère que ça te servira de leçon. On ne plaisante pas avec moi et on ne discute jamais mes ordres… Jane ! Je crois qu’une petite heure de ta… médecine lui fera le plus grand bien !
- Oh oui, Félix ! Tout ce que tu désires…

Félix récupère un pied d’Alec, le prévenant qu’il en sera privé durant une semaine. Pour être certain qu’Alec n’oublie pas à qui il doit allégeance…
Puis il sort en riant, satisfait des hurlements épouvantables qui emplissent la demeure et des talents de Jane, en ce qui concerne la torture…

La vision enfin achevée, je m’évadais de l’esprit d’Alice avec une seule envie : vomir mes tripes. Alice sanglotait désespérément et Aro peinait à reprendre son souffle ; je les comprenais aisément. Ce, à quoi nous venions d’assister était tout bonnement atroce.
Jasper posa tendrement les mains sur les joues de son épouse et la força à lever les yeux.

- Alice… mon Alice, c’est fini ! Calmes-toi ! Qu’as-tu donc vu de si horrible pour être dans un tel état, ma chérie ?

Je ne m’étais pas aperçu que la famille était là, au grand complet, encore absorbé par cette scène cauchemardesque.

- Oh mon Dieu Jazz ! C’est ignoble ! Ce qu’ils lui ont fait c’est…
- QUOI ? Ils ont fait quoi à Bella ? S’exclama Emmett d’une voix venimeuse, prêt à en découdre avec tous ceux qui feraient du mal à sa petite sœur.
- Cé-cé-ce n’était pas Bella mais… Ô Seigneur !

Alice ne parvenait pas à s’en remettre, et moi non plus je dois dire.
S’il était prêt à autant de cruauté envers ses compagnons, que réservait-il à mon ange ?
Souffrance, désespoir et agonie se mêlèrent en moi au point où Jasper en vint à tomber avant de réussir à m’atteindre avec ses ondes calmantes.
Carlisle s’approcha d’Alice et moi, le visage marqué par l’inquiétude. Sa bouche s’ouvrit à plusieurs reprises mais aucun son n’en sortait.

- Alice… Edward… A quelle vision cauchemardesque avez-vous donc assisté pour vous retrouver dans cet état de détresse ? Et toi Aro, mon vieil ami, comment peux-tu être à ce point retourné par ce que vous avez vu tous les trois ? Est-ce donc si horrible que cela ?

Voyant que ma sœur et Aro n’étaient pas capables de parler, encore en proie au choc que nous venions de vivre, je me décidais à leur expliquer. Par réflexe, je passais mes mains sur le visage et les yeux, essayant de chasser ces horreurs.

- Oui Carlisle, c’était horrible… atroce, tu peux me croire ! Nous avons assisté à la torture en direct d’Alec. C’était absolument ignoble. Ils l’ont… ils lui ont fait subir le martyr simplement parce qu’il a apporté un peu de sang animal à Bella. Il a voulu l’aider et Félix le lui a fait payer. Bella a, je cite « tout ce qu’il lui faut dans sa chambre si elle a soif »… sous-entendu Charlie.
- Et Félix l’a torturé pour un peu de sang ? S’exclama mon père, incrédule.
- Oh ! S’il n’y avait eu que Félix… Afton et Jane s’en sont également donnés à cœur joie, je peux te le dire ! Tu te rends compte ? Sa propre sœur l’a torturé ! Et elle prenait son pied en plus, cette salope ! Répondis-je, dégoûté.
- Jane ? Torturer son frère et y prendre plaisir ? Non, tu te trompes, Edward. Elle y a été contrainte par Félix, voyons ! Elle ne pourrait pas faire ça…
- C’est de Jane dont on parle, Carlisle.
- Je le sais bien, mais elle ne pourrait jamais faire ça à son propre frère, voyons ! Son jumeau ! Souffla Carlisle, atterré.
- C’est là où tu te trompes, mon cher ami.

Aro s’était redressé et avait repris contenance. Il avait été extrêmement choqué par ce qu’il avait vu et j’en comprenais la raison ; il appréciait énormément les jumeaux et était particulièrement attaché à Alec. Les traits de son visage étaient durs, marqués par la colère et le dégoût.

- Bien qu’ils soient jumeaux, Alec et Jane n’ont strictement rien en commun. Et bien qu’elle n’y était pas prédestinée, rien ne pouvait annoncer cela, Jane est excessivement violente, surtout envers son frère.
- Mais… pourquoi ? De plus, Alec est à même de se défendre face à elle ! Pourquoi se laisse-t-il faire de la sorte ? Interrogea mon père.

Je me rappelais alors les évènements de ce matin-là et me souvenais de l’attitude servile d’Alec envers sa sœur et Félix.

- Excusez-moi, Aro, mais est-ce normal qu’Alec soit aussi soumis envers sa sœur ?

Le visage d’Aro se fendit d’un sourire amer et fatigué puis son regard se fit lointain, perdu dans les souvenirs. Enfin, il s’assit sur une chaise de notre « salle de réunion », posa ses coudes sur la table et croisa les mains sous son menton, jetant un regard circulaire à son auditoire.

- Pour répondre aux questions que vous vous posez sur les Jumeaux, il va falloir reprendre leur histoire, depuis le début. Tout d’abord, sachez qu’ils ne s’appellent pas Jane et Alec, mais « Jeanne et Alexandre ». Leurs noms ont été mis à l’heure anglaise suite à leur transformation. Nous n’avons jamais réellement connu leur date de naissance exacte, ni même leur âge puisqu’à l’époque, il n’y avait pas vraiment d’état civil ou de registre des naissances. Tout ce que nous savons, c’est qu’ils avaient environ seize ans au moment de leur transformation. Ils sont nés approximativement en l’an 1580, à peu de choses près. Du père, nous ne savons pas grand chose, il serait mort du choléra alors que son épouse était enceinte des Jumeaux. Ce qu’il faut que vous sachiez, c’est qu’à cette époque dominée par les croyances populaires et religieuses, les naissances gémellaires étaient pointées du doigt, considérées comme diaboliques. Jane et Alec étaient, dans leur cas, doublement diaboliques : de par leur naissance, mais surtout par leur mère qui était une sorcière. Non ! Ne pensez pas grimoires, chats noirs, balais volants, bave de crapaud ou culte satanique ! Leur mère, Bérénice, était ce que l’on appelle communément une ‘rebouteuse’. Elle soignait les maux des uns et des autres à l’aide de décoctions, mélopées, prières païennes et manipulations. Elle aidait également les enfants à venir au monde lorsque l’accouchement était laborieux, mais elle était aussi une ‘faiseuse d’anges’, puisqu’elle aidait les femmes à… mettre un terme à une grossesse non désirée. Bérénice possédait d’immenses connaissances et les plantes médicinales n’avaient aucun secret pour elle. Tout cela faisait de cette femme une ’sorcière’. Les gens étaient terrorisés par son savoir et avaient peur d’être en sa compagnie. Elle a vécu en ermite avec ses deux enfants, leur transmettant son impressionnant savoir. Vers l’âge de dix ans, Alec et Jane ont développé une… particularité. Jane était capable de… passer le feu chez une personne, quant à Alec, il était capable d’anesthésier la douleur, disait-on. De nombreuses personnes venaient se faire soigner chez cette petite famille, tout en les pointant du doigt ensuite puisqu’ils n’étaient que sorcellerie et diableries. Vers l’âge de douze ans, Alec a contracté la tuberculose. Sa mère a tout tenté pour le soigner, sans succès. Son corps devait être trop affaibli par les multiples « miracles » qu’il avait accomplis. Peu de temps après, Bérénice a été emmenée de force sur la place du village voisin, accusée sommairement de « sorcellerie », « empoisonnement », « assassinat » et bien d’autres chefs d’accusation encore. Elle a été menée au bûcher et a brûlé vive, sous les yeux de ses enfants. S’ils n’ont pas été immolés en même temps que leur mère, c’est uniquement grâce à un noble du coin, qui avait pitié de leur jeune age. On les a enfermés dans une institution religieuse pendant deux ans. Deux années de sévices, de tortures et de cruautés diverses au nom de Dieu afin d’enlever toute cette… diablerie de leur corps. Les Jumeaux ont fait profil bas, suffisamment intelligents pour savoir qu’ils seraient tués sans hésitation s’ils ne jouaient pas le jeu. Lorsqu’ils ont enfin pu quitter l’institution, ils sont retournés dans la maison de leur enfance et ont repris leurs activités, ma foi, extrêmement lucratives. Quelques mois plus tard, alors que l’Inquisition faisait rage, ils ont été emmenés à Paris et ont été emprisonnés en attente de leur procès. La Chasse aux Sorcières, ils étaient en plein dedans. La maladie d’Alec a empiré. Sa santé s’est rapidement dégradée. Entre malnutrition, mauvais traitements et cachots insalubres, il ne pouvait en être autrement. Même s’il tentait de cacher cela à sa sœur, Jane s’est vite rendue compte que son frère se mourait à petit feu. Elle a alors fait ce qu’il fallait pour que son frère et elle puissent jouir d’un peu plus de confort. Elle s’est offerte aux différents gardiens, monnayant son corps en échange de couvertures bien chaudes et de nourriture. Mais rares étaient les gardiens qui avaient bonne conscience, la plupart violaient Jane en riant et la privaient de nourriture ensuite. Cela a duré des mois, jusqu’à la nuit où, accompagné d’Eléazar, je me suis rendu à leur prison. La légende des « Jumeaux diaboliques » nous était parvenue jusqu’à Volterra et je voulais vérifier si ces soi-disant sorciers faiseurs de miracles étaient si talentueux que ça. Rares sont les humains qui ont un talent puissant à l’état brut, nous n’en avons même connu que trois : Jane, Alec et la jeune Isabella. Bref, après avoir soudoyé les gardiens et nous trouver face aux Jumeaux, Eléazar a été frappé par leur extraordinaire potentiel. Malheureusement, ils ont disparu le jour suivant, alors que nous préparions leur évasion. Nous les pensions morts et n’avons retrouvé leur trace que lors des guerres de nouveaux-nés en Afrique, l’année suivante. Nous nous sommes donc empressés de leur offrir une place de choix dans la garde. Nous nous sommes peu à peu aperçus que Jane se montrait extrêmement agressive et virulente envers son frère, lui intimant sans cesse que son nouvel état, ses viols répétés et les coups qu’elle avait subis en tant qu’humaine étaient entièrement sa faute. Qu’elle aurait mérité d’avoir une belle vie et non un semblant de vie remplie de tortures et de guerres. Alec, lui, était bien conscient de tout ce que sa sœur avait fait pour lui. Elle avait toujours été là pour le protéger. Il s’est donc… soumis à sa volonté, estimant que c’était un bien faible prix à payer par rapport aux multiples sacrifices de Jane…

Aro s’était tu. Nous étions tous sans voix, sidérés par l’histoire des Jumeaux. Comme quoi les légendaires Evil’s Twins ne dataient pas d’hier !
Je perçus vaguement dans l’esprit du Volturi que Jane était prête à tout pour s’attirer les faveurs de Félix, obsédée qu’elle était par le guerrier sadique, se reconnaissant quelque part en lui… Elle lui était entièrement dévouée, ainsi qu’Alec, par la même occasion puisqu’il obéissait au doigt et à l’œil à sa sœur. Aro craignait également que ses deux meilleurs éléments ne se retournent contre Volterra, ce qui signifierait la fin d’une ère paisible si Félix se laissait dominer par sa folie destructrice…

*****************************************

Les jours continuaient à s’écouler, l’un après l’autre, inlassablement, constants.
La douleur vive qui m’étreignait le cœur depuis l’enlèvement de Bella empirait de jour en jour.
Je ne chassais plus, le sang n’avait plus aucun attrait pour moi.
Après m’avoir invité à la chasse à maintes reprises, sans succès, Rosalie avait tenté de m’obliger à boire en amenant un puma devant moi et en le saignant, persuadée que le prédateur en moi se jetterait sans hésiter sur la malheureuse bête. Échec complet, j’étais resté de marbre.
La soif est une chose, le manque en est une autre…
A l’instar d’un héroïnomane souffrant mille morts en manque de sa dose, je subissais mille et une tortures, en manque de ma Bella. J’avais tant besoin d’elle ! Un besoin viscéral, vital, me prenant les tripes.
Mais Bella n’était pas là et je souffrais infiniment…

Elle ne voudrait pas que tu te laisses abattre, Ed. Ressaisis-toi !

- Je sais, Jazz ! Mais je… je n’y arrive pas. Je ne peux pas.
- Dis plutôt que tu ne le veux pas, nuance ! Si tu le voulais vraiment, tu ne te laisserais pas aller de la sorte ! Regardes-toi bon sang ! Tu ne ressembles plus à rien ! Depuis qu’elle est partie…
- Elle a été enlevée, Jazz ! Elle n’est pas partie de son plein gré !
- Je sais… excuse-moi, je n’ai pas su choisir les bons mots… Ce que je voulais dire, c’est que depuis son… départ forcé, tu es devenu une loque. Tu ne chasses plus, tu ne fais plus rien, tu erres comme une âme en peine, tu ne t’es plus lavé depuis ce jour ! Heureusement que nous n’en avons pas besoin d’ailleurs. Tu ne t’es pas changé… As-tu vu dans quel état est ton jeans ? Alice a failli en faire une crise cardiaque ! Il est tellement crado qu’il tient debout tout seul !
- Je… je n’ai plus goût à rien, Jazz… Je… je ne peux pas.
- Tu ne veux pas un p’tit coup de pouce ? J’peux jouer les ‘Prozac®’ si tu veux !
- Je sais mais… je n’ai pas envie de te rendre plus malade que tu ne l’es déjà en ma présence…
- C’est faux ! Protesta-t-il avec véhémence.
- Ah ouais ? Mes émotions ne t’ennuient pas ? Tu n’es pas mal à l’aise en ma présence ?

Je le défiais de me contredire, tout comme lui tentait de rester indifférent face au tumulte de colère, haine, souffrance, désespoir qui se jouait en moi. Jasper finit par grimacer et baisser les yeux, marmonnant un bref « désolé, au cas où tu sais où me trouver » avant de tourner les talons et d’enrouler ses bras autour de son torse, essayant, tout comme moi, de ne pas s’effondrer en hurlant sous le poids de toute cette souffrance.
Lorsqu’il fut enfin parti, je retournais à mes pensées et souvenirs, m’enfermant dans mon mutisme désormais habituel et m’adossais au tronc d’un pin, observant les étoiles.
Mon téléphone portable sonna une fois… Puis une seconde… Et une troisième… jusqu’à ce que Carlisle arrive, me prévenant qu’Alice avait une vision et qu’ils avaient besoin d’un «traducteur».

- Aro n’a qu’à…
- Aro et Marcus sont partis… se nourrir… en compagnie du clan d’Amun ainsi que de Peter et Charlotte. Viens s’il te plait. On a besoin de toi…

Je soufflais lourdement en me relevant puis fonçais à la villa. Alice était assise, le corps secoué par quelques spasmes, et elle sursautait régulièrement, se donnant des allures de sauterelle. Elle était effrayée par ce qu’elle voyait et je m’écroulais au sol en gémissant de douleur lorsque j’eus accès à sa vision.

Bella est attachée dans sa geôle, écartelée, poignets et chevilles maintenues par des fers, ses vêtements à moitié déchirés. Charlie n’est pas là, mais on entend son cœur battre à toute allure ; il doit être dans une autre pièce. Un feu vif ronfle dans la cheminée, éclairant de ses flammes un assortiment de tisons et de lances en acier. Félix attrape une hallebarde rougeoyante au cœur des flammes et la passe délicatement sur le ventre de Bella, marquant son corps au fer rouge. Elle serre les dents, ne voulant pas lui offrir le plaisir de l’entendre le supplier, et encaisse la douleur comme elle le peut. Son ventre et ses cuisses sont zébrés de longues et fines marques. Des brûlures. Félix sourit de toutes ses dents, satisfait de voir que sa Beauté est là, près de lui. Mais intérieurement il rage car elle est toujours avec moi ; il a son corps, mais elle lui refuse toujours son esprit. Alors il espère qu’elle comprendra enfin, en voyant toutes ces marques sur son corps, qu’elle est à lui et à personne d’autre.
Elle est sienne.
Sa créature.
Son objet.
Elle doit comprendre et il n’y a pas d’autre façon de lui expliquer.
Bella hurle lorsque deux fers rouges s’enfoncent simultanément dans son ventre avant d’en ressortir lentement. Félix sort un nouveau tison d’entre les flammes et le plonge à nouveau dans le corps de Bella, lui imprimant un mouvement de va-et-vient ; il se délecte des gémissements et des cris de sa victime. Elle le mérite. Elle est sale et doit être purifiée. Et il n’y a pas plus purificateur que les flammes… Le feu nettoie, le feu lave des pêchés.


- Dis-moi, mon ami, que mérite-t-elle pour avoir osé se laisser souiller par ce chien galeux de Cullen ? Sens. Sens-la. L’odeur de ce misérable est profondément ancrée en elle.

Félix se tourne vers un vampire aux longs cheveux blonds noués en catogan. James.
Ce dernier observe Bella, le regard bouillant de concupiscence et presque la bave aux lèvres. Il s’approche de Bella, enfouit sa tête dans le creux de son cou et glisse doucement ses mains sur les épaules de leur prisonnière.

- Huuuuuum… mais c’est qu’elle sent délicieusement bon, cette jeune donzelle ! Bien que sa fragrance soit entachée par celle du rouquin. Quel magnifique jouet…

Bella ne bouge pas, elle reste stoïque et la haine noie son regard. James approche son visage des seins de Bella, soufflant dessus pour les faire poindre et siffle de frustration lorsqu’il voit que le corps de la jeune femme ne réagit pas. Il n’a pas le droit de la toucher, il le sait, mais il en crève d’envie. James profite que Félix a le dos tourné pour pincer un téton de Bella tout en se caressant à travers son jeans et en se frottant contre elle.
Bella approche lentement son visage de celui de James avant de susurrer au creux de son oreille.

- Eh James ! La branlette, ça rend sourd.

Et à peine ses paroles prononcées, elle lui arrache l’oreille avant de la cracher dans les flammes. Il hurle sous le coup de la douleur, de la rage, mais surtout de l’humiliation. James s’approche à nouveau d’elle tout en déboutonnant son pantalon puis la gifle, le regard fou.

- TU VAS ME LE PAYER ESPECE DE SALE PETITE PUTE !

Félix, qui s’aperçoit seulement de ce qu’il vient de se passer, éloigne James de Bella d’un geste brusque.

- NON JAMES ! ELLE EST A MOI !
- MAIS…
- J’AI DIT NON !

Voyant qu’il n’aura pas le dessus, James s’installe au fond de la pièce tout en se jurant qu’il trouvera le moyen de profiter de Bella. Ça fait un mois qu’elle l’obsède, un mois qu’il la veut et il se la fera. Et cette petite garce doit payer pour son oreille, oui, il se vengera…
En attendant, il écoute, satisfait, les gémissements de douleur qui sortent de sa bouche et observe, avide, les tortures qui sont infligées à Bella…

Douleur.
Rage.
Supplice.
Désespoir.
Souffrance.

- JASPER !

Un voile noir obscurcit mon esprit et me permit de m’évader de cette vision infernale qui se rejouait inlassablement devant mes yeux et je compris, trop tard, que Jasper m’abrutissait de puissantes ondes de léthargie, me permettant de reprendre un minimum de contrôle.
Une espèce de bourdonnement constant résonnait dans la pièce et je supposais qu’Alice leur faisait le compte-rendu de ce cauchemar.
La haine et la douleur suintaient par tous les pores de ma peau.
Haine envers Félix et ses sbires qui faisaient subir toutes ces horreurs à la plus douce des créatures.
Douleur en voyant ce qu’était désormais le quotidien de mon ange.
Bien que mon corps fût toujours abruti par les vagues de torpeur successives que m’insufflait Jasper, mon esprit était par contre en pleine possession de ses moyens. Je restais prisonnier de cette vision ignoble et cauchemardesque mais pire encore, j’avais l’impression que mon esprit se moquait de ma faiblesse en prenant plaisir à rejouer ces images, encore et encore…visions qui ne me donnaient qu’une envie, me lamenter sur le sort désastreux de mon ange.
Dire que je passais mon temps à me lamenter ici alors que ma douce Bella subissait les tortures machiavéliques de Félix.
Et cette ordure de James… Laurent nous avait pourtant bien dit qu’il ne fallait pas lui faire confiance ! La preuve en était, il avait passé son temps, pendant la recherche du Chef Swan, à nous mettre sur des fausses pistes, et tout ça pour offrir mon ange, totalement affaibli, sur un plateau d’argent à Félix.
Puis la colère prit le dessus.
La colère, le dégoût et la haine.
Envers moi-même.
J’étais ici, à pleurnicher comme un bébé et je ne faisais rien. Rien à part me plaindre et pleurer sur mon sort. Je me comportais en lâche, alors que je ne suis pas comme ça. Je devais agir. Bouger. La trouver.
Ce que j’aurai dû faire dès le départ au lieu de me laisser aller. Je devais la rechercher, quitte à y passer l’éternité, et la trouver. L’arracher des mains de ce psychopathe.
L’engourdissement qui envahissait mon corps finit par s’estomper pour finalement disparaître, et je pus à nouveau être en pleine possession de mes moyens physiques.
Alors que je me relevais, je croisais le regard épouvanté d’Alice.

- Non Edward ! Ne fais pas ça ! Tu n’as pas le droit de nous faire ça ! S’exclama-t-elle d’une voix tendue.

Mes parents s’approchèrent de son petit corps tremblant et Esmée enroula étroitement ses bras autour d’Alice.

- Que se passe-t-il Alice ? Tu viens encore de voir quelque chose ? C’est Bella ? Demanda mon père, affolé.
- Non ! Bella va bien. C’est Edward. Il veut partir à sa recherche.

Je me tournais vers ma sœur, le corps tendu, tentant de contenir toute ma colère et ma voix se fit sourde, basse, venimeuse.

- Bella va bien ? Tu te fous de ma gueule, Alice ! Tu as vu ce qu’ils lui ont fait ou ce qu’ils prévoient de lui faire ! Ne me dis pas qu’elle va bien ! Jasper ! Arrête-moi ça tout de suite ! Hurlais-je, en sentant que mon frère tentait d’user à nouveau de son don sur ma personne.

Alice se tourna, affolée, vers la foule qui s’était amassée autour de nous.

- Emmett, Laurent, Garrett, retenez-le, il va chercher à s’enfuir !

Mon frère et nos amis se jetèrent sur moi. Je tentais de les esquiver, plus rapide qu’eux, mais Aro, qui était revenu entre-temps, me fit un croche-pied et j’atterris entre les bras d’Emmett qui m’étreignit de toutes ses forces.
Je ne pouvais plus bouger, j’étais prisonnier de ma propre maison.

- Lâchez-moi et laissez-moi partir !
- Ne fais pas ça, Edward ! Tu n’as pas le droit de nous faire ça ! Pleurnicha Alice.
- Je veux juste la trouver ! J’en ai assez de rester ici les bras ballants !
- Pense à nous, Edward ! Nous ne nous en remettrons jamais s’il t’arrivait quelque chose ! La famille se disloquera et…
- Ne sois pas égoïste, Alice ! Il n’est pas question de la famille, ici, il est question de Bella !
- Moi aussi je suis triste ! Nous le sommes tous Edward ! Elle est ma meilleure amie !
- C’est ma fiancée, bon sang ! Mon âme-sœur, ma vie ! Tu ne resterais pas les bras croisés si Jasper disparaissait ! Tu tenterais tout pour le retrouver ! Tu ne sais pas ce que je ressens. Personne ne le sait ! Alors ne me dis pas ce que je dois faire !
- Mais tu vas mourir si tu pars à sa recherche ! Je l’ai vu !

J’arrêtais de me débattre entre les bras d’Emmett et entendis un hoquet de stupeur collectif suite aux paroles d’Alice. Je me calmais un instant avant de plonger mon regard dans le sien.

- Je meurs un peu plus chaque jour sans elle, Alice.
- Edward… Je te promets que Bella va revenir. Bientôt. Je ne sais pas quand exactement, mais elle va réussir à s’échapper. Mais tu dois rester ici. Tu ne dois absolument pas partir à sa recherche…
- Ah ouais ? Et je dois la laisser se faire torturer jour après jour simplement parce que tu « l’as vu » ?
- Tu veux vraiment savoir pourquoi, Edward ? Très bien ! Regarde ! Et régales-toi… Cracha-t-elle d’une voix chargée de colère et le regard fou de douleur.

Alice ferma les yeux et se concentra. Elle cherchait toutes les solutions possibles, elle initiait les visions.

Bella court à travers les forêts, Charlie sur le dos. Elle essaye d’être la plus rapide possible, deux vampires sont à sa suite et elle doit absolument s’en débarrasser. Soudain, elle ralentit sa course, un sourire aux lèvres, lorsqu’elle aperçoit la Meute prête à l’accueillir. Les loups s’écartent pour la laisser passer, tandis que Jared, Paul, Sam, Jacob et Seth se jettent sur ses poursuivants, les déchiquetant en quelques secondes. Subitement, son corps se tend, dans l’expectative. Bella inspire lentement et frissonne lorsque mon odeur lui chatouille les narines. Elle dépose Charlie délicatement sur le sol et court dans ma direction. Un craquement sonore retentit lorsque nos deux corps entrent en collision. Elle est là. Avec moi. Et c’est tout ce qui compte…

Je souriais bêtement à la suite de cette vision et subitement, un voile noir obscurcit l’esprit d’Alice alors que de nouvelles images peuplaient son esprit…

Je cours à travers les forêts et les montagnes. Mes pieds effleurent à peine le lac gelé que je traverse. Je ne sais pas où je suis, ni où je vais, mais je sais que je vais la trouver ; je le sens. Mon cœur mort me donne l’impression d’être magnétisé et je vole en direction de l’aimant qui m’attire. Bella. Je redouble de vitesse lorsque l’attirance se fait plus forte et m’arrête subitement lorsque plusieurs fragrances arrivent vers moi. Vampires. Six pour être précis. Je suis peut-être rapide et lis les pensées, mais je ne ferais pas le poids… James me sourit de toutes ses dents, malveillant.

- Et bien, et bien… Je ne m’attendais pas à ce que tu débarques à l’improviste, Cullen ! Mais c’est pas plus mal, remarque ! Tu vas nous simplifier les choses… C’est ce cher Félix qui va être content !

Ils se jettent sur moi et je n’oppose pas de résistance. Ça ne servirait à rien de toute façon, autant garder mes forces si une occasion quelconque se présente…
Jane a sauté sur mon dos, ses mains sur mes yeux m’empêchent de voir où nous allons. Nous arrivons finalement dans une maison et je sais que Bella y est avant même que son parfum fabuleux ne m’atteigne. On me jette sans ménagement dans la geôle de Bella et Charlie. Ils n’ont pas le temps de se remettre de la surprise de ma présence que je me jette avidement sur les lèvres de Bella, m’enivrant de sa délicieuse bouche et de son parfum envoûtant.
Un grognement féroce. Un hurlement strident. On m’arrache à elle.
Félix la gifle violemment en hurlant un « sale petite garce ! ». Je me rue sur lui et lui décoche quelques coups bien placés avant de m’écrouler comme une masse sur le sol en me tordant de douleur, immolé par les flammes invisibles que produit Jane. Une dizaine de vampires entrent dans la pièce, tous des mâles. Pendant que je brûle, on s’acharne à me marteler de coups, broyant mes os au passage. Je sens à peine la douleur des coups tant la brûlure est épouvantable.
Des cris. Des pleurs. Des supplications.
La brûlure s’arrête.
On m’oblige à m’agenouiller et trois vampires me maintiennent dans cette position, face à Bella. A mes côtés, Jane est assise sur une chaise, Charlie sur les genoux. Elle s’abreuve en lenteur à son cou sous les yeux horrifiés de Bella et les miens. Le cauchemar ne fait que commencer…
Félix arrache violemment les vêtements de Bella et déboutonne son pantalon. Je hurle et me jette sur lui, malgré les trois hommes sur mon dos, lorsque je comprends ses intentions. Alec me prive de l’usage de mes membres et une poigne se renforce sur mes cheveux, m’obligeant à regarder Félix violer sauvagement mon ange. Je hurle, je les supplie. Qu’ils fassent tout ce qu’ils veulent de moi mais qu’ils l’épargnent ! Je peux tout supporter mais pas ça. Pas ma Bella. Félix oblige Alec à me faire taire et ma langue, comme mon corps, se trouve paralysée. Je meurs à petit feu, je ne peux rien dire, rien faire, juste assister, totalement impuissant, au calvaire de ma Bella. Félix en a à peine terminé avec elle que James prend le relais. Il la sodomise brutalement et l’oblige à me regarder.
Les yeux de Bella sont envahis par la douleur, la tristesse, la culpabilité et la honte ; le besoin de tuer et de torturer s’empare de tout mon être mais je ne peux que rester spectateur de ce cauchemar, je ne peux pas bouger…
Puis vient le tour d’Afton… Et de Siegfried… Et d’un autre… Puis encore un autre… Ils la violent à tour de rôle et je ne peux qu’assister à cette barbarie, paralysé, prisonnier de mon propre corps…

- Dis « au-revoir » ! Susurre Félix à mon oreille.

Je croise le regard dénué de toute expression de ma Bella. Ils l’ont tuée, elle est morte intérieurement. Je ne peux même pas lui dire une dernière fois « je t’aime », ni même m’excuser qu’on me démembre en lenteur. Ils se délectent de me faire souffrir, mais cela n’est rien comparé à ce qu’ils viennent de faire subir à ma Bella. Même les flammes qui lèchent mes membres découpés en petits morceaux n’atténuent pas la douleur. Et puis d’un coup, plus rien…

Je n’eus pas le temps de me remettre de ce cauchemar que je fus aussitôt aspiré par une troisième vision…

Ma famille, nos amis et les loups font front avec les Volturi face à Félix et son armée. Bella est à ses côtés. Un corps sans âme, une coquille vide, voilà ce qu’elle est désormais.

- Déploie ton bouclier Beauté !

Bella s’exécute sans discuter, elle ne réagit même plus. Elle est comme morte. Elle ne reconnaît pas ma famille, ni nos amis. Elle ne reconnaît même pas Jacob, son meilleur ami.
Eléazar leur explique rapidement que ma mort l’a anéantie, que ça a brisé la dernière part d’humanité en elle et qu’ainsi, Siegfried a pu lui faire oublier tout ce que Félix désirait. Elle n’est plus qu’un automate, agissant quand on le lui demande…
Aro s’avance de quelques pas et s’adresse à Félix.

- Que veux-tu ? Tu n’as donc pas assez détruit cette pauvre fille et sa famille ?
- Oh mais je n’en ai rien à foutre de cela. Je souhaite juste rétablir l’ordre naturel des choses…

Les images se mettent à tourbillonner pour finalement s’arrêter sur une autre scène…

Bella est à moitié nue, une cape sur les épaules et un épais collier en titane autour du cou. Elle est à genoux sur un coussin moelleux, tenue en laisse par Félix. Ils sont dans un bar. Un homme arrive et se prosterne à leurs pieds.

- Qu-que désirez-vous, Monseigneur ? Madame ?
- Deux pintes de AB - !
- Je-je-je suis désolé, Mon-Monseigneur, je-je n’en ai plus en stock…

Le barman est terrorisé et Félix lui jette un regard méprisant avant de se tourner vers une jeune serveuse qui apporte, plus loin, deux verres de sang à un couple de vampires. Félix la pointe du doigt.

- Et ça, c’est quoi ? Amène-la-moi !
- Cé-cé-c’est ma femme, Monseigneur ! Le barman tremble de peur et supplie Félix du regard.
- Tu veux que je la tue devant toi, peut-être ? Je veux du AB -, j’aurai du AB-. Tu n’as rien à dire, l’humain !
- Sh-sh-sh-Sharon ! V-viens !

La jeune femme échange un regard avec son époux et comprend la situation. Des larmes silencieuses roulent sur ses joues alors qu’elle se dirige vers le comptoir. Elle ouvre un tiroir et en sort deux pailles ainsi qu’un petit appareil pointu ressemblant étrangement à une alène de cordonnier. Elle se dirige vers leur table et s’agenouille entre Félix et Bella puis leur tend le petit poinçon. Félix prend le temps de choisir une veine et une fois son choix posé sur la subclavière, il la poinçonne à deux reprises avant d’y glisser les deux pailles et de s’abreuver à même la jeune femme, tout comme Bella. Sharon pâlit de plus en plus et commence à défaillir ; avant qu’elle ne soit exsangue, Bella et Félix arrêtent de la boire. Le barman, soulagé qu’ils n’aient pas tué son épouse, l’entraîne derrière le comptoir et l’étend sur un petit lit de camp posé à cet endroit.
Le téléphone portable de Félix sonne, il décroche.

- Oui, ma chère Jane ?
- J’ai d’excellentes nouvelles pour nous, mon ami !
- Ah oui ? Et quelles sont-elles ?
- Les rebelles…
- Tu as des informations ?
- Oui, nous avons trouvé deux humaines. Elles connaissent la Résistance et nous ont donné des informations capitales.
- Aaaah… Bien. Bien bien. Les Cullen et Dénali nous ont causé jusqu’alors trop de soucis… S’allier aux humains, quel pathétisme ! Et ces humaines, que t’ont-elles donc appris ?
- Et bien tu seras ravi d’apprendre, mon cher, qu’à l’heure qu’il est, trois bataillons sont en route pour leur repaire ! Et ça, grâce à l’aide de ces deux jeunes femmes !
- Et qui sont ces deux précieuses ?
- Une certaine Jenn… euh Jessica, l’autre s’appelle… Lauren ! Elles ont connu les Cullen avant le Nouvel Ordre.
- Hmmm… Bien. C’est très bien même ! Je pense qu’un compte bancaire excessivement bien garni leur conviendra.
- Détrompes-toi Félix. Elles ne veulent ni argent, ni bijoux ou autre, elles désirent uniquement nous rejoindre.
- Et ont-elles un quelconque potentiel futur ?
- Et bien à part être de vraies garces et de sacrées idiotes, elles n’ont aucun autre talent.
- Tu sais bien que nous avons décidé que seuls les humains avec un fort potentiel pourraient éventuellement être des nôtres !
- Je sais, et franchement elles n’ont rien d’exceptionnel. De vraies dindes ! Mais je pense que leur dévouement devrait être récompensé.
- Hmmm… Soit ! Ecoute, si vous parvenez à anéantir la Résistance grâce à leurs informations, elles mériteront l’immortalité. Mais seulement, et je dis bien seulement, si les rebelles sont décimés. Je veux que tu m’amènes les têtes de Jasper Cullen et d’Eléazar Dénali sur un plateau. Oh ! Et je veux la jolie Rosalie vivante. Elle sera une pièce de choix pour le harem, une fois qu’elle sera passée entre les mains de Siegfried. Je commence à me lasser du cul de la petite Alice. Un peu de changement me fera du bien !
- Il sera fait selon tes désirs, Félix… Oh ! Si cela ne te dérange pas, j’aimerai me garder le petit Benjamin, tu sais, l’élémentaire ? Le charme du sud, tu comprends ?
- Mais bien sûr ma douce, tu le mérites ! Tu fais tout ce que tu désires tant que ces foutus rebelles crèvent une bonne fois pour toutes !

Il met un terme à la conversation et tapote doucement la tête de Bella avant d’ouvrir son jeans.

- Aaaah… le monde tel qu’il est désormais me plait ! Montre à ton Maître à quel point le Nouvel Ordre Mondial te plait, Beauté !

Bella sourit doucement, le regard toujours vide d’expression puis se penche entre les cuisses de Félix, engloutissant son membre en ronronnant…


En sortant de ces cauchemars successifs, je fus assourdi par un hurlement épouvantable. Il me fallut quelques instants pour me rendre compte que ce cri effroyable sortait de ma bouche. Jasper émit des ondes calmantes que j’acceptais avidement avant d’enfouir ma tête entre les genoux. Je relevais brièvement les yeux pour m’apercevoir que tout le monde nous regardait, Alice, Aro et moi, et je n’eus besoin que de quelques secondes pour comprendre que le vieux vampire leur avait fait part des visions d’Alice.
Ma sœur s’assit à côté de moi et posa une main sur mon épaule.

- Je suis désolée, Edward mais… tu devais savoir. Je me doute que la façon de faire a été un peu brutale mais…
- Un peu brutale ? C’était un vrai cauchemar, Alice ! Comment peux-tu être certaine que…
- Que ça se passera ainsi si tu pars à la recherche de Bella ? Parce que ce n’est pas la première fois que je le vois. Cela fait déjà quelques jours que je me doute que tu finirais par vouloir la retrouver et… j’ai envisagé toutes les solutions possibles. Si tu pars à sa recherche, tout ce que tu viens de voir se produira…

Je me relevais subitement, en colère contre moi-même, en colère contre Alice et ses visions, en colère contre tout.

- Alors je dois rester ici à rien faire en sachant qu’elle se fait torturer jour après jour jusqu’à je ne sais quand ?
- Non ! Tu dois rester ici parce que ce sera la fin de tout si tu meurs ! Tu mourras si tu vas là-bas! Bella sera anéantie et la Révolution que craignent les Volturi aura lieu. Je sais que c’est dur, Edward, mais tu dois rester ici. Bella va…
- Et si nous y allions tous ensembles ! On aurait l’effet de surprise et…
- Edward ! Bella est trop faible pour tous nous protéger des pouvoirs d’Alec et Jane, et même si Félix et les siens sont beaucoup moins nombreux que nous, avec ces deux armes redoutables, nous n’avons aucune chance. Nous ne pouvons pas nous permettre d’aller nous jeter dans la gueule du loup. C’est terrible pour Bella, difficile pour toi, mais nous n’avons pas d’autres choix. Statua ma sœur sur un ton qui signifiait clairement que ce n’était pas la peine de la contredire, qu’elle avait déjà fouillé à la recherche de toutes les solutions possibles.

J’enfouis mon visage entre les bras et me lassais complètement aller, sanglotant comme un bébé, sans aucune retenue. Ils étaient bien gentils, tous, là, mais qu’est-ce qui m’assurait que les visions d’Alice étaient vraies ? Elle pouvait se tromper, non ? Et comment pouvais-je être sûr que ma Bella me reviendrait d’elle-même ? Hier encore, Alice avait eu une vision dans laquelle Charlie mourrait des mains mêmes de sa fille… Comment pouvais-je être certain qu’ils n’allaient pas la torturer plus que ce qu’ils n’avaient fait ? Comment ?
Il ne me restait plus qu’à avoir foi en ma sœur et rester ici à attendre le retour de mon ange…
Si retour il y avait.

- Oh mon Dieu ! Mais il n’a vraiment aucune limite ! S’exclama Alice, les deux mains devant la bouche pour empêcher d’inexistantes nausées.
- Quoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ? Qu’a-t-il encore fait à Bella ? Brailla Jacob.

Alice était profondément écœurée lorsqu’elle lui répondit.

- Il a… Il a enlevé une petite fille… Il va l’enfermer dans la même pièce que Bella et Charlie… Un « petit en-cas » au cas où… Il est ignoble…

J’étais choqué en entendant cela… Félix avait enlevé une pauvre gosse afin qu’elle fasse saliver ma belle jusqu’au point de non-retour… Mon ange devait subir un épouvantable calvaire, déjà avec Charlie qui, reconnaissons-le, possède un parfum des plus exquis, et là, avec la môme, ça ne pouvait qu’empirer. Les enfants ont une odeur très particulière, douce et sucrée, florale et épicée. Il est quasiment impossible d’y résister… Mon pauvre ange…
Puis je vis l’image de l’enfant et me trouvais à court de mots, sidéré par son visage.
Cette petite crevette ne devait pas avoir plus de quatre ou cinq ans et je souffrais mille mort en la voyant à travers cette vision…
Je reconnaissais les yeux chocolat, les traits fins et délicats, la petite bouche mutine et lorsque j’aperçus les visages stupéfaits d’Alice et Aro, je compris qu’ils en étaient arrivés aux mêmes conclusions que moi, cette enfant n’avait pas été enlevée par hasard.
Elle ressemblait tellement à Bella, mais le plus choquant, c’est qu’on y retrouvait certains de mes traits, ma couleur de cheveux…. Cette gosse avait même mon nez !
Cette petite fille inconnue était un parfait mélange entre Bella et moi, elle était l’enfant que nous aurions éventuellement pu avoir. Un équilibre idéal entre mon ange et moi. Et cette pauvre gamine était là uniquement pour faire saliver mon ange et lui servir d’amuse-gueule…
Une fois de plus, je me laissais tomber contre le mur, épouvanté par les stratagèmes tordus et sadiques auxquels avait recours Félix pour faire craquer ma Bella…

********************************

Je dois certainement avoir un penchant assez prononcé pour le masochisme. Y’a pas d’autres solutions possibles…
Et une petite tendance pour le voyeurisme ! Ça c’est sûr… mais un voyeurisme sordide et morbide, c’est pas possible autrement…
Coincé à la villa, surveillé en permanence par l’un ou l’autre – des fois que je chercherai à m’enfuir – je passais mon temps à espionner Alice et ses visions.
Pourtant, elle essayait de me les cacher du mieux qu’elle le pouvait ! Mais je trouvais toujours un truc pour y avoir accès.
Oui, masochiste, je l’ai déjà dit.
Il ne se passait pas une journée sans que Bella ne soit le souffre-douleur de Félix. Il continuait sa mission « purificatrice »… Et j’espionnais ces visions. Je voulais voir jusqu’à quel point il était capable d’aller.
Je n’étais peut-être pas empathe, mais chaque coup de fouet, chaque brûlure, je les sentais également. Sûrement pas autant que mon ange, non ! Mais je le sentais aussi…
Les jours défilaient et même si la villa était en effervescence devant le flot de vampires et loups qui y passaient, tentant de mettre au point un plan de bataille quelconque pour le jour où nous récupérerions enfin ma Bella, chaque journée apportait son lot de souffrance.
Chaque jour, je me laissais glisser dans l’esprit d’Alice.
Chaque jour, je revivais ce que mon ange vivait.
Je voyais encore, devant mes yeux, le regard effrayé de la petite fille alors que Bella avait le regard braqué sur elle, affamée, possédée par sa soif.
Je voyais encore le regard perdu du Chef Swan qui ne reconnaissait plus sa fille, persuadé qu’un démon avait pris sa place. Puis la honte dans celui de Bella une fois qu’elle s’était ressaisie.
Alice passait la majeure partie de son temps prostrée sur un fauteuil. Ses visions la faisaient souffrir mais le pire, c’est qu’on ne savait jamais si le moment était présent ou futur. Elle s’en voulait de ne pouvoir rien faire pour Bella, Charlie et la petite fille.
Jasper, lui, tentait de maintenir une ambiance sereine, mais parfois c’était bien au-dessus de ses forces. La douleur d’Alice, celle de notre famille, couplées à la mienne le rendait fou. Souvent, il était obligé de sortir, de s’échapper ne serait-ce que quelques heures afin de souffler.
Je n’en pouvais plus. Je devais agir. Mais à chaque fois, les visions apocalyptiques d’Alice refaisaient surface. Alors je sortais me défouler, sur des arbres, des rochers, parfois sur Emmett, Laurent, Benjamin ou Garrett.
En allant voir Sue hier pour prendre de ses nouvelles, j’avais évacué ma hargne et ma rage sur les falaises de La Push. Le jardin de Billy Black en avait pris un coup, tout comme celui de Sam et Emily, suite au glissement de terrain que j’avais provoqué.
Je n’en pouvais plus. J’avais besoin de la voir, de l’entendre, de la tenir dans mes bras. J’avais juste besoin de savoir que tout allait bien pour elle. Mais malheureusement, c’était loin d’être le cas.
Une fois de plus, je broyais mes genoux à force de contenir ma haine et ma souffrance devant l’afflux d’images…

Bella est haletante, affaiblie par la soif, par les coups, par sa… purification.
Ses vêtements en lambeaux témoignent de la brutalité qu’elle subit.
Félix, face à elle, brandit une cravache et caresse le corps de Bella avec.

- Tu te rappelles à quel point tu aimais ça, ma Beauté ? La cravache a toujours été ton jouet préféré… Tu te rappelles à quel point je te donnais du plaisir ? A quel point tu aimais ça ? Nous pourrions recommencer si seulement tu te montrais raisonnable…

Bella le regarde, un sourire moqueur aux lèvres, puis elle se met à rire doucement.

- Parce que tu crois que je prendrais mon pied avec toi ? Alors ça, c’est la meilleure ! Tu veux savoir quand j’ai découvert ce qu’était le plaisir ? Je l’ai découvert dans les bras d’Edward…
- Espèce de sal…
- Mais tu crois quoi, franchement ? T’as jamais été foutu de me faire hurler comme lui le fait ! Il a des doigts de virtuose et une langue magique et sa queue… hummm… sa queue… si tu savais ne serait-ce que le centième de ce qu’elle est capable de faire, tu serais prêt à virer ta cuti, je te le garantis !
- SALE PETITE PUTE !

Il la gifle violemment, hargneux, tandis que Bella le nargue, narquoise.

- Pute ? Non, il ne m’a jamais payée. Je m’offre à lui. A 100%. Tu ne m’auras jamais, ducon. Tu peux me purifier à ta façon, m’assoiffer, faire tout ce qui te passe par la tête, mais je ne serais jamais à toi. Jamais. Je te déteste. Je te haïs à un tel point que même ce mot ne signifie rien à côté. Tu es pitoyable. Pathétique. Une pâle imitation de vampire. Tu te prends pour un grand mais en fait, tu n’es rien. Fais-toi greffer une bite, une vraie, et peut-être que tu seras un homme ! Quoique. Ce n’est pas parce que ça marche comme un canard et que ça caquète comme un canard que c’est un canard… Même avec une vraie queue tu resteras à jamais ce que tu es : pitoyable. Dis-moi, Félix, tu as toujours tes petits problèmes d’impuissance ? Tu vois de quoi je parle, bien sûr, hein ? Regardes-toi. Tu n’es même pas foutu de bander comme un homme !
- SALOPE ! FERME TA PUTAIN DE BOUCHE !

Il hurle, en proie à la rage et à l’humiliation. Elle ne sait rien. Elle ne sait pas de quoi elle parle. Il doit lui montrer qui a le pouvoir.
Il la cravache brutalement puis la fouette avec plus de vigueur encore. Bella, bien qu’à bout de force, éclate de rire et raille continuellement Félix, lui lançant des répliques cinglantes et moqueuses. On dirait qu’elle est possédée par l’esprit d’une hyène qui s’attaque à une pauvre charogne. Ses mots et ses rires ne font que décupler la violence de Félix, qui la fouette avec plus d’acharnement encore.
Il finit par en avoir assez et crache au sol, dépité par la résistance de sa captive.
Bella halète et siffle de souffrance entre deux éclats de rire. Si les fers et les chaînes ne la maintenaient pas, elle serait incapable de tenir debout, affaiblie par la violence de son châtiment.
Félix claque des doigts, la porte de la geôle s’ouvre sur Jane et Victoria. La première a un sourire et un regard fiers, la seconde est tremblante de peur. Félix leur désigne Bella d’un hochement de tête et les deux femmes la déshabillent avant de lui remettre des vêtements propres.
Au même moment, Afton amène le Chef Swan et la gamine dans la cellule. Après un nouveau signe de tête de Félix, Jane lance son pouvoir sur Charlie qui s’écroule de douleur au sol.

- ASSEZ !

Bella hurle, horrifiée et apeurée, et se reprend rapidement en encerclant son père et la petite dans son bouclier. Félix rit ouvertement, satisfait de voir que son délicieux jouet n’a quasiment plus de ressources. Elle sera bientôt ce qu’elle aurait toujours dû être : à lui.

- Parfait ! Tu vois ma beauté, encore deux petites journées et tu seras à nouveau à moi…



- Edward ! Ressaisis-toi !

Je me redressais vivement en entendant les paroles affolées d’Emmett.
Sans même m’en apercevoir, j’avais complètement broyé le sol à force de le marteler de mes poings et j’étais maintenant en posture d’attaque, prêt à me jeter sur quiconque s’approcherait de moi. J’étais surtout en train de gronder violemment sur mon frère et avais failli l’attaquer.
J’avais dû leur faire une sacrée peur puisque mes frères et amis avaient formé une espèce de mur entre leurs compagnes et moi et les Quileute étaient tous tremblants, prêts à se métamorphoser au moindre geste offensif de ma part.
Je devenais complètement fou.
Mon côté masochiste avait prit le dessus et les visions d’Alice faisaient de moi un monstre.
Jasper grondait lui aussi violemment, en proie à mes tourments. Alice glissa doucement sa petite main entre la sienne et lui caressa tendrement la joue, ce qui permit à mon frère de reprendre possession de ses moyens.
Moi, je n’y arrivais tout bonnement plus…
Une puissante onde de calme se répandit dans la pièce et j’eus toutes les peines du monde à la laisser me submerger, mon corps réagissant instinctivement face à tout ce qu’il prenait pour une attaque. Enfin, je finis par me détendre avant de me laisser glisser au sol, lançant un regard effaré à ma famille.

- Je… je… suis désolé… pardon… pardon Emmett… je… je ne sais pas ce qu’il m’a prit… pardon…
- Te bile pas, frangin ! Y’a pas eu d’casse ! Me dit-il d’une voix joueuse tout en frottant mon crâne et emmêlant mes cheveux.
- T’es chiant Em ! Vire ta grosse paluche de là !
- Ah ! Ah ! Eddy est de retour !

Je lui fis un sourire faiblard, essayant de le… non de tous les rassurer. Mais intérieurement, j’étais ravagé.
Cette vision détestable avait été une incroyable torture, à la fois pour moi, mais principalement pour ma Bella. Ce qu’elle avait subi, ou allait subir, était d’une incroyable sauvagerie, d’une épouvantable folie et d’une brutalité hors norme.
Aro s’approcha lentement de moi, craignant que je ne l’attaque, puis voyant qu’il ne risquait rien, il finit par s’asseoir à mes côtés, un sourire compatissant mais à la fois éclatant et satisfait aux lèvres.

- Ne t’inquiète pas, jeune Edward. Je pense que je réagirais comme toi si cela arrivait à ma chère Sulpicia. Mais je tiens à te dire une chose, tu peux être fier. Très fier. Ta compagne est dotée d’un incroyable contrôle et d’une force de caractère tout simplement étonnante. J’ai vu. Je sais ce qu’il s’est à nouveau passé. Tout le monde le sait. Toutes les personnes présentes sont très attachées à la jeune Isabella et craignent pour elle. Et tous sont fiers de voir à quel point elle est forte. Elle résiste. Elle reviendra mon jeune ami… elle te reviendra. Je ne peux te dire quand, je n’ai pas la science infuse, mais il faut que nous soyons préparés à son retour. Nous devons nous entraîner, nous préparer à une prochaine attaque éventuelle. Qui n’a d’éventuelle que le nom puisque tu peux être certain que Félix cherchera à s’approprier à nouveau Isabella lorsqu’elle reviendra. Tu dois t’y préparer. Nous devons nous y…

Il fut coupé dans ses paroles par un appel téléphonique.

- Oui Démétri ?
- Bonjour Maître. J’ai de nouvelles informations.
- Au sujet de mon frère ?
- Oui Maître Aro. Maître Caïus vient de partir avec Madame Athenadora en voyage.
- En voyage, dis-tu ? Mais où ça ?
- Maître Caïus en avait assez d’entendre Madame son épouse se plaindre d’être constamment enfermée dans une tour d’ivoire. Ils ont pris le jet et se trouvent actuellement en Amérique du Sud. Au Panama, très exactement.
- Au Panama ?! Bien… très bien… Je te remercie mon cher pour ces informations… Peux-tu continuer la surveillance, cependant ?
- Mais bien sûr Maître Aro. Je vous souhaite une excellente journée.
- Moi de même Démétri. Au revoir.

Il raccrocha son téléphone, contrarié.

Le Panama ? Mais qu’est-ce qu’ils vont foutre au Panama ? Comme s’ils pouvaient sortir en plein soleil ! La Suède, la Norvège, l’Angleterre… je comprendrais, mais le Panama ? N’importe quoi !

Aro s’éloigna, en compagnie de son frère Marcus, de Carlisle et Eléazar. Il était plutôt contrarié par l’appel de Démétri et je ne savais pas pourquoi. D’un autre côté, s’il craignait effectivement que Caïus prépare une révolution dans notre monde, je pouvais aisément comprendre qu’il soit inquiet ou contrarié.
De mon côté, j’avais absolument besoin de me défouler. La hargne, la colère, la rancœur et la haine qui se mêlaient en moi, me rendaient fou et il fallait absolument que j’évacue tous ces sentiments négatifs avant que je n’atteigne le point de non-retour.
Emmett, Jasper, Garrett, Laurent et Jacob m’accompagnèrent, eux aussi avaient besoin d’évacuer la tension. Nous nous battions entre nous, plus pour le fun qu’autre chose, même si les coups n’étaient pas retenus. Benjamin et Amun nous rejoignirent rapidement. Eux, si pacifistes en temps normal, se montraient d’une sauvagerie et d’une violence inouïe ! J’en compris la raison lorsque je me rappelais ce que leurs compagnes avaient vécu à cause de Félix… Ce que Bella subissait chaque jour était un épouvantable rappel des tortures qu’il avait infligées à Tia et Kebi…
Bella…
J’avais envie de m’arracher le cœur tellement je souffrais de son absence. Je voulais crever en pensant à ce qu’elle subissait. Je me lamentais toujours sur mon sort. Et le sien. Encore. Puis me revint à l’esprit son visage au regard moqueur et au sourire narquois. Elle était forte. Elle se battait à sa manière. En lui tenant tête et en le rabaissant comme elle le pouvait.
Je ne la méritais pas…
Je ne faisais que pleurnicher, larmoyer et me lamenter alors qu’elle se montrait forte et fière. Elle était à la fois la captive et la tortionnaire.
Et moi je n’étais qu’une larve pathétique bonne à pleurnicher pour mon compte… Je m’écœurais moi-même.

- Oh ! Sors-toi les doigts du cul, Eddy !
- Facile à dire mais dur à faire, Jazz…
- Je sais Edward et je te comprends. Je n’aimerai pas être à ta place… Si c’était Alice qui… je crois que je ne serais plus bon à rien…
- Tu es fort, Jasper ! Toi tu partirais en guerre ! Tu irais la récupérer quel qu’en soit le prix ! Moi je… je suis pathétique. Je reste là à glander et à chouiner…
- C’est là où tu te trompes, Edward. Tu veux partir, nous t’obligeons à rester. Tu veux la récupérer toi-même. Nous t’obligeons à l’attendre. Et tu es fort, crois-moi. Il faut avoir une sacrée force et un sacré courage pour supporter tout ce qu’Alice te montre à travers ses visions.
- Surtout une bonne dose de masochisme !
- Aussi ! Allez viens, on rentre.

Il me mit une claque dans le dos avant de se relever souplement. Je l’imitais et nous retournions à la villa, attendant une nouvelle vision…

***********************************


Je rentrais tranquillement de la Push après avoir mangé avec Sue Clearwater.
Oui.
Vous ne rêvez pas.
J’ai mangé.
Et là, je vais devoir me débarrasser de cette foutue bouffe humaine qui me pèse sur l’estomac et me fait un mal de chien.
Esmée avait préparé un repas pour Madame Clearwater et j’étais allé lui porter.
Elle ne voulait rien avaler. Depuis que le Chef Swan a disparu, Sue se laisse aller.
La seule solution que j’ai trouvée pour qu’elle se mette quelque chose sur l’estomac a été de partager son repas.
Elle avait de grands yeux écarquillés et stupéfaits, mais au moins elle mangeait. Moi, je grimaçais et gémissais, je me plaignais et je râlais, mais j’ai mangé également. Pour Sue, surtout.
Seth et Leah ont débarqué et se sont ouvertement foutu de ma gueule. Mais intérieurement, ils étaient heureux de mon sacrifice car au moins leur mère se nourrissait un peu…
Après avoir craché mes tripes pendant un laps de temps interminable, je retournais à la villa afin de trouver mes frères.
J’avais besoin de me défouler et pour cela, il n’y avait rien de mieux que la force brute d’Emmett et le côté stratège de Jasper.
Lorsque j’arrivais, ils étaient tous là.
Tous, sans exception.
Et ils avaient tous cette même tête d’enterrement qui me laissait présager le pire…
Et leurs regards envahis de tristesse, de pitié et de compassion me nouaient la gorge…
Je cherchais immédiatement Alice des yeux et la trouvais assise par terre, au pied du canapé, le visage enfoui entre les genoux et les bras croisés au-dessus de la tête.
Elle sanglotait désespérément et ses pleurs étaient si épouvantables qu’ils vous donnaient des envies de suicide.
Jasper essayait tant bien que mal de la soulager en lui murmurant des paroles tendres et apaisantes, mais rien n’y faisait.
Puis brusquement, alors qu’Alice était toujours dans le même état, tous les regards se braquèrent sur moi.
Et rien que de voir leurs têtes, je n’avais qu’une envie : prendre mes jambes à mon cou et fuir le plus loin possible.
Ce fut pire lorsque je fus brusquement encadré par Jacob, Emmett, Sam, Benjamin et Peter.
Ils me cachaient tous leurs pensées, ou plutôt ils pensaient à tout un tas de choses qui n’avaient aucun rapport avec la situation présente.
Je me sentais subitement mal, oppressé… comme si une catastrophe était imminente.
Je ne savais pas quoi, mais je ne le sentais pas.
Mais alors pas du tout…
Alice leva enfin les yeux vers moi.
Son regard était envahi par une profonde tristesse et une douleur incommensurable.
Il y avait de la culpabilité également.
Puis elle ouvrit la bouche et je sus immédiatement que je n’allais pas aimer ce qui allait suivre.

- Je… je suis désolée Edward… je… c’est fini…
- Qu’est-ce que t’entends par « c’est fini »? Elle est… Bella est…

Je n’osais même pas prononcer ce mot.
Et de toute façon, ce n’était pas possible.
Bella ne pouvait pas… mourir.
Je le sentirais si c’était le cas.
Non. Impossible…
Alice s’empressa de secouer la tête en signe de dénégation, me rassurant par la même occasion. OUF !

- Non ! Non ! Ne t’inq… Non. Be-Bella va… elle va… bien.

Elle gémit violemment, comme un animal en proie à la pire des souffrances avant de se remettre à sangloter comme une perdue.

- Je… je suis désolée-é-é-é-é-é-é…

Et elle m’ouvrit son esprit…

Charlie s’accroche à la petite fille, ils sont tous deux terrorisés et il fixe Bella avec de grands yeux épouvantés. Des grognements rauques retentissent dans la pièce sous les rires de James.

- Ils sont à moi !

Bella hurle, le venin envahit sa bouche et elle salive en observant les deux repas devant elle.

- Oh, ce n’est que ça ! Ne t’inquiète pas, je n’y toucherai pas…
- J’ai… sssssssssoif !
- Si tu es bien sage, ça pourrait se régler…

James tente de rester nonchalant mais l’excitation est tellement forte qu’il ne peut la cacher.

- Soif… ssssssssssssoif !

Il caresse doucement le corps de Bella, le regard bouillant de luxure.

- Quel dommage que Félix refuse que je te touche… je sens que je m’amuserai beaucoup avec toi !
- Humm… ce que Félix ignore ne peut pas lui faire de tort… lui répond-elle d’une voix sensuelle et vibrante de désir.

Il cherche ses lèvres et elle répond avidement à son baiser, pressant son corps contre celui du mâle autant que ses chaînes le lui permettent.

- Hmmm… Jaaaames ! Li-libère mes jambes ! Je veux te sentir… profondément… intensément… puissamment…
- Oh putain de merde… c’est Noël avant l’heure, chérie !

Il lui arrache ses vêtements et attrape un trousseau de clés dans la poche de son jeans, cherchant fébrilement celle qui lui permettra d’avoir enfin accès à ce qu’il souhaite le plus… Il la libère enfin et presse son érection contre Bella alors qu’elle entoure étroitement sa taille à l’aide de ses jambes en gémissant de plaisir…


- NOOOOOOOOOOOOOOOOON !

Et je m’écroule, retenu par les bras de mon frère tandis que Jasper m’entoure d’une carapace de torpeur…